Le 15 octobre commençait le procès de Daniel Lacasse. Cet ancien entraîneur de basketball féminin, bien connu dans le monde du sport scolaire, a été arrêté en 2022 pour des contacts sexuels qu’il aurait initiés sur une mineure pendant deux ans. Éclairage proposé par Isabelle Richer, analyste judiciaire à Radio-Canada, qui était de passage à l’émission Angle droit.
L’affaire a créé une onde de choc à l’école secondaire Saint-Laurent à Montréal. Plusieurs personnes ne pouvaient pas imaginer que cet entraîneur très respecté abusait d’une adolescente en profitant de sa position.
Depuis son arrestation, Daniel Lacasse est suspendu par le Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys qui l’employait. Même si une seule accusation est retenue contre l’homme, elle couvre une assez longue période soit de septembre 2010 à avril 2012. « On l’accuse d’avoir commis le geste d’exploitation sexuelle, c’est-à-dire quand quelqu’un est en position d’autorité par rapport à une personne mineure, on appelle ça de l’exploitation sexuelle », explique Isabelle Richer, analyste judiciaire à Radio-Canada.
L’analyste judiciaire explique que l’homme était l’entraîneur de ces jeunes filles-là qui étaient vraisemblablement subjuguées par lui et par d’autres de ses collègues. Pour rappel, même s’il subit seul son procès, il n’est pas le seul à être accusé, deux autres entraîneurs sont aussi accusés. « Dans le cas de Lacasse, il n’y a qu’une seule plaignante. Est-ce parce que c’est la seule qui a porté plainte ou parce que la seule véritable victime, c’est difficile à dire », questionne l’analyste.
Pour écouter la version audio de cette entrevue :
École, sport et délits sexuels
Bien que les faits se soient produits en 2022, trois ans auparavant, en 2019, plusieurs médias parlaient déjà des nombreux abus sexuels sur les jeunes athlètes dans le sport amateur. Selon un article de Radio-Canada, 340 entraîneuses et entraîneurs de sport amateur de jeunes athlètes ont été visés par des délits sexuels.
Pour sa part, Isabelle Richer croit que le tabou des dénonciations des délits sexuels commis par des personnes en situation d’autorité auprès des jeunes ne cesse d’être brisé depuis des années quoique certaines choses semblent se répéter. « J’ai couvert les procès au palais de justice pendant près de 25 ans. Quand j’y rentrais dans les années 1990, il y avait déjà des entraîneurs, pas nécessairement dans le milieu scolaire, mais aussi dans le milieu du sport amateur ou dans des fédérations et des équipes. »
Si l’école est perçue comme un milieu sécuritaire, c’est aussi le cas des arénas, des gyms ou des clubs. « Dans les années 1990, on avait déjà l’impression de briser un tabou. La question est maintenant de savoir si nous l’avons suffisamment brisé et si nous avons suffisamment surveillé par la suite ce milieu pour que ces abus ne se reproduisent à l’infini », se questionne l’analyste judiciaire.
L’analyste judiciaire rappelle cependant que dans le cas de cet homme dont le procès débute à peine à Montréal, la particularité est que les faits se sont produits en milieu scolaire, un endroit « où l’on imagine que toutes les vérifications sont faites, où il y a des garde-fous. » Pourtant, force est de constater que si l’homme est déclaré coupable, « les garde-fous ont été dans ce cas-ci complètement absents ».
La pédagogie pour mieux couvrir les faits judiciaires
Isabelle Richer n’est plus une personnalité à présenter lorsqu’on s’intéresse aux faits judiciaires. Elle décrypte chaque jour en direct l’actualité judiciaire sur Radio-Canada après l’avoir fait pendant plus de 25 ans au palais de justice. Ce qui l’anime au quotidien malgré un horaire chargé? User de pédagogie pour décrire et expliquer un univers qu’elle qualifie « d’hermétique et complexe ».
L’analyste judiciaire en est persuadée : le public s’intéresse forcément à tous ces faits judiciaires. « C’est sa société, son univers. On parle de ses semblables et de ses proches. Le public a besoin de comprendre comment [le système de justice] fonctionne. Et c’est mon rôle : expliquer, vulgariser des concepts qui sont complexes et de les rendre digestes. » Un défi qu’Isabelle Richer accepte de relever quotidiennement avec plaisir et satisfaction, car après toutes ces années d’expérience, « il vient un moment où l’on maîtrise le jargon, la façon de le faire passer et où on s’intéresse aux faits qu’il faut simplifier. »
Celle qui s’imaginait devenir archéologue s’est fait une réputation dans la couverture des drames humains. Un travail qui est loin d’être facile tous les jours. « Comme je dis toujours, si un médecin pleure chaque fois qu’il perd un patient, il faut qu’il change de job. Alors c’est un peu la même chose : quand on est journaliste judiciaire, on ne peut pas s’effondrer chaque fois qu’il y a une histoire dure, injuste ou brutale. Alors on finit par créer une distance et on se blinde. »