Chaque année, des centaines de jeunes sont accusées de produire ou de partager de la pornographie juvénile. Afin de faire de la prévention et accélérer les interventions pour contrer ce phénomène, le projet SEXTO a été lancé en 2016. Sept ans après, l’initiative a-t-elle donné des résultats?
Interrogé au micro de l’émission Angle Droit, le procureur aux poursuites criminelles et pénales au Bureau des affaires de la jeunesse, Louis-David Bénard soutient que le projet SEXTO a donné des résultats. En plus d’informer les enfants mineurs qu’ils n’ont pas le droit d’avoir ce genre d’images en leur possession, cela a permis de « filtrer les dossiers » afin que les enquêtrices et enquêteurs puissent se concentrer sur les cas nécessitants « un déploiement policier important ».
L’avocat ajoute que le taux de récidive est maintenant plus faible puisque que les adolescentes et adolescents sont pris en charge rapidement à la suite d’un signalement. Les intervenantes et intervenants scolaires se sentent également en confiance quand une situation de sextage est dénoncée au sein de leur établissement, observe-t-il.
Une approche différente
La réadaptation et la réinsertion sociale sont primordiales dans les procès impliquant des accusées et accusés d’âge mineur, ce qui amène le Bureau des affaires de la jeunesse a collaboré étroitement avec les avocates et avocats de la défense.
« Les objectifs en matière de justice pénale pour les adolescents sont tout autre que pour les adultes, notamment les objectifs pénologiques au niveau des peines », explique Me Bénard.
L’objectif de cette collaboration : faire en sorte que l’enfant mineur reçoit la peine la plus adaptée à son profil, afin qu’il réponde de ses actes, mais également qu’il devienne un bon citoyen.
Une infraction facile à commettre
S’il y a près de 300 chefs d’accusations déposées chaque année contre des jeunes en matière de pornographie juvénile, notamment pour la publication non consensuelle d’images intimes, c’est peut-être à cause de « la facilité d’accès aux nouvelles technologies », évoque Me Bénard.
En effet, il est rare de nos jours qu’une adolescente ou un adolescent n’ait pas son propre téléphone cellulaire permettant de produire et partager instantanément des photos et des vidéos. « Ça va très rapidement les réseaux sociaux. Tout est interconnecté. Les jeunes y sont exposés. »
En outre, les raisons poussant les enfants mineurs à commettre ce genre d’infractions sont multiples. « Ça peut être la curiosité ou l’excitation sexuelle. Ça peut être pour faire plaisir à l’autre, dans le but de séduire », mentionne le juriste.
La vengeance est également un motif. « Ces raisons qui ont motivé cette distribution, ça nous influence comme procureur sur notre façon d’orienter le dossier. »
SEXTO, comment cela fonctionne-t-il?
Distribué sous la forme d’une trousse d’intervention, SEXTO est destinée aux intervenantes et intervenants des écoles secondaires et permet de sensibiliser autant les personnes qui commettent des infractions que les victimes. Ce projet s’inscrit dans le Plan de lutte à l’intimidation et à la violence dans les écoles.
« Cela permet d’intervenir efficacement et rapidement lorsqu’une situation de sextage est dénoncée », affirme Me Bénard. Une fois l’intervention complétée, les services de police sont contactés. « Les policiers vont soumettre le tout aux procureurs afin qu’ils prennent rapidement position. Est-ce que c’est un cas qui nécessite une rencontre de sensibilisation ou bien ce cas sera qualifié d’acte malveillant? »
Ainsi, selon l’ampleur de la distribution des images, la nature de celles-ci, ainsi que les gens qui y ont eu accès, le Bureau des affaires de la jeunesse décide s’il recommande ou non au service de police d’aller de l’avant avec une enquête traditionnelle.
Depuis janvier 2020, plus de 400 policières et policiers de la Sûreté du Québec ont assisté aux formations du projet SEXTO, selon les données recueillies par le Journal de Montréal.
Le saviez-vous? À l’origine de SEXTO, une initiative du Service de police de Saint-Jérôme en 2016 qui souhaitait freiner la hausse des dossiers de pornographie juvénile chez les adolescentes et adolescents. Implanté dans différentes municipalités du Québec depuis, le projet SEXTO sera déployé à Montréal en 2024-2025. |