La question des délais judiciaires est encore plus que d’actualité. Plusieurs juges en chef des tribunaux québécois ont récemment manifesté leur inquiétude quant au financement du système de justice. Marie-Anne Paquette, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, était au micro d’Angle droit pour parler de ce qui devrait être selon elle « l’étoile polaire du système », soit les besoins juridiques des citoyennes et des citoyens.
La question des délais judiciaires au Québec ne peut être traduite uniquement par un chiffre, selon Marie-Anne Paquette, juge en chef de la Cour supérieure du Québec. La magistrate estime que le public a besoin de transparence concernant cet enjeu et ajoute qu’il faut le considérer dans sa globalité.
« Il existe plusieurs façons de parler des délais judiciaires, rappelle-t-elle au micro d’Angle droit. Parle-t-on du délai entre le moment d’instituer une procédure et le moment où l’on reçoit le jugement? C’est un indicateur de certains enjeux, mais ce n’est pas le seul. Ou bien parle-t-on du délai à partir duquel les avocats des parties se disent prêts à procéder, donc être entendus par un juge à procès? »
Pour la magistrate, il est essentiel d’avoir une gestion éclairée et des données probantes. Mme Paquette croit que le délai qui semble important pour les citoyennes et citoyens serait le temps qui s’écoule entre le commencement d’une procédure et le moment où le jugement est rendu. « Et ce délai est variable et s’explique de différentes façons », détaille-t-elle.
Les procédures peuvent, par exemple, se multiplier avant de se rendre au procès. Les causes sont parfois plus complexes ou un procès peut être retardé par manque de salle ou de juges disponibles. « Ces délais ne sont pas les mêmes partout. Pour un même litige, par exemple une action en divorce, le délai où l’on se déclare prêt à procéder peut varier de six mois à deux ans. La Cour supérieure s’attardera à y travailler parce qu’on doit être en mesure d’obtenir justice, peu importe son code postal », ajoute-t-elle.
Le chiffre clé. 7. C’est le nombre de postes vacants de juges à la Cour supérieure à travers la province. L’un des défis au recrutement des juges comme des personnes en soutien à l’activité judiciaire, selon Marie-Anne Paquette, est de rendre attrayants les postes, notamment au chapitre du salaire. |
Simplifier les procédures administratives
Comme de nombreuses autres organisations, la Cour supérieure du Québec s’est récemment dotée d’un plan stratégique qui détaille ses grandes priorités d’ici 2029. L’un des premiers champs d’action concerne la simplification et l’harmonisation des procédures administratives. Une action qui ne se fera pas uniquement par la juge en chef « seule dans son bureau », mais qui demandera « la collaboration de plusieurs acteurs. »
Cet exercice de réflexion aura permis à la Cour supérieure du Québec de repérer les enjeux et problèmes systémiques. « Jusqu’à tout récemment, quand on s’adressait à la Cour supérieure, illustre Marie-Anne Paquette, il y avait des règles différentes. Ces règles sont le fruit d’années de débrouillardise où l’on a voulu s’ajuster au besoin des gens dans chaque district. » Mais cela a aussi eu comme effet qu’il est difficile de s’y retrouver et de s’organiser pour qu’il y ait une harmonisation. « On y travaille et c’est important pour servir la population de façon similaire. Pour le moment, on a beaucoup de règles de pratiques, directives et de communication. »
« La communication claire du droit, un de nos enjeux »
Marie-Anne Paquette en a aussi profité pour faire le lien entre les délais judiciaires et la communication claire du droit, qu’elle considère comme un enjeu clé à la Cour supérieure du Québec. Si le lien n’est pas toujours facile à faire, notamment pour comprendre la question des délais judiciaires, elle soutient que « si le chemin pour se rendre à la cour n’est pas clair […] qu’on ait des personnes représentées ou non par avocat, on peut se retrouver face à une audience qui ne procèdera pas de façon efficace ».
Autrement dit, si les éléments à préparer pour un procès ne sont pas clairs, il est difficile d’imaginer un procès efficace qui ne soit pas reporté. Une situation que la juge en chef juge frustrante pour tout le monde à commencer pour celles et ceux qui veulent obtenir justice de façon efficace et rapide.
« On veut tous un système de justice qui inspire la confiance du public et pour inspirer cette confiance, il faut qu’il puisse comprendre ce que la cour fait, savoir qu’elle travaille de façon indépendante, que ses décisions soient bien communiquées et qu’elles reposent sur des bases solides et non sur l’arbitraire. Notre étoile polaire c’est le public et sa confiance. »
Le saviez-vous? Angle droit est l’émission d’Éducaloi diffusée sur les ondes de CIBL 101,5 depuis septembre 2023. L’équipe vous donne rendez-vous tous les mardis à 11h et en reprise les jeudis à 10h. Il est aussi possible de la réécouter sur les différentes plateformes comme Balado Québec, Apple ou Spotify. |