Amorcée en 2007 et conclue en 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada portait sur les sévices subis par les populations autochtones au sein des pensionnats et les conséquences sur leurs communautés. Son objectif était de permettre aux survivantes et survivants autochtones de partager leurs récits et leurs expériences. Elle a donné naissance à 94 appels à l’action « afin de remédier aux séquelles laissées par les pensionnats et de faire avancer le processus de réconciliation ».

La tenue au Canada d’une Commission de vérité et réconciliation n’était pas une première dans le monde. D’autres commissions du genre ont eu lieu ailleurs sur la planète, par exemple en Afrique du Sud à la fin de l’Apartheid. L’objectif de ce genre de commission est de recenser les violations aux droits de la personne et les crimes commis, généralement lors d’un conflit, afin de permettre une réconciliation entre les victimes et les autrices et auteurs de ces crimes. Mais dans le contexte canadien, quel sens prend la réconciliation? Et, les appels à l’action ont-ils eu des impacts légaux jusqu’à maintenant?
La réconciliation, un concept critiqué
Ce ne sont pas toutes et tous les Autochtones qui adhèrent au concept de la réconciliation dans le contexte canadien. Sans vouloir répondre pour les autres, l’avocat en droit des peuples autochtones chez Neashish & Champoux, Alexis Wawanoloath, préfère qu’on parle de « guérison ».
Une préférence qu’Alexis Wawanoloath explique entre autres dans un contexte où le politique accepte difficilement d’aborder les notions de génocide et de racisme systémique lorsqu’il est question des peuples autochtones au Canada.
L’avocat abénakis, qui enseigne les sciences politiques au Collègue Kiuna, ajoute qu’en mettant l’accent sur la réconciliation, on donne l’impression, à tort, que la colonisation est quelque chose du passé.
« C’est encore quelque chose de très actuel pour les peuples autochtones, que ce soit dans le domaine des ressources naturelles, des langues, de la culture et ainsi de suite, soutient-il. Le génocide se poursuit encore selon l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. On le voit par le taux d’incarcération et le taux de suicide. »
Des problématiques qui sont entre autres une répercussion des pensionnats et de la colonisation et qui ont un impact important sur les membres des communautés autochtones. À titre d’exemple, selon les données publiées par le ministère de la Justice du Canada, sur le nombre total d’homicides élucidés de femmes autochtones survenus entre 1980 et 2014, la moitié de ceux-ci ont été commis par un membre de la famille et un quart par une connaissance.
Ainsi, avant de penser à la réconciliation, une guérison doit se faire au préalable, réitère Alexis Wawanoloath.
Cela dit, des changements juridiques ont été effectués au cours des dernières années afin de répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.
La protection de l’enfance
La Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis a été sanctionnée en 2019.
Cette loi reconnaît des compétences aux peuples autochtones sur les services aux enfants et aux familles afin qu’ils déterminent ce qui est dans l’intérêt de leurs communautés. Selon Alexis Wawanoloath, elle « crée des normes juridiques minimales » que les organisations de protection de la jeunesse doivent respecter et elle les incite à placer les enfants dans des familles de leur communauté.
Mais, rester dans sa communauté est-il toujours dans l’intérêt de l’enfant? « Si on voit que ce n’est pas dans l’intérêt de l’enfant de rester dans sa famille ou dans sa communauté, on peut l’envoyer dans une autre famille d’une même nation » vivant en dehors de la communauté afin que « l’enfant soit le moins déraciner possible », explique l’avocat. Un moyen de favoriser la continuité culturelle, tout en préservant l’intérêt de l’enfant.
Revitaliser les langues autochtones
Sanctionnée également en 2019, la Loi sur les langues autochtones a pour objectif de soutenir la revitalisation et le renforcement des langues autochtones au Canada.
Elle a entre autres permis de créer le Bureau du commissaire aux langues autochtones, mentionne Alexis Wawanoloath, mais l’application de cette loi est « surtout de nature promotionnelle et administrative », précise-t-il. Des questions liées à l’éducation en langue autochtone ou à la prestation de services gouvernementaux en langue autochtone sont abordées par cette loi, mais selon les connaissances de l’avocat, elle n’est pas contraignante.
Par exemple, la loi ne crée pas d’obligation pour répondre à l’appel à l’action demandant la création de programmes et de diplômes collégiaux et universitaires en langues autochtones. La réponse à cet appel a été laissée au bon vouloir des établissements d’enseignement.
Un conseil dédié à la réconciliation
Constitué en mars 2025, le Conseil national de réconciliation est un organisme indépendant et apolitique dirigé par des Autochtones. Son rôle est de faire progresser la réconciliation dans la société canadienne. Il se concentre sur la promotion de la réconciliation au national et sur la création de partenariats entre les communautés autochtones et les institutions canadiennes.
Si un budget de plus de 126 millions de dollars lui a été attribué, Alexis Wawanoloath précise que ce conseil doit, s’il veut perdurer, trouver du financement. « On leur donne un statut qui s’approche de celui d’organisations à but non lucratif, dit-il. Est-ce vraiment le meilleur moyen de permettre à une organisation qui a un large mandat de bien le remplir? » Malgré cette interrogation, l’avocat considère qu’on doit laisser la chance au coureur.