Épée ou pistolet : petite histoire des duels

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Une réforme du Code criminel canadien en 2018 a eu des conséquences plutôt surprenantes. Depuis cette réforme, les duels ne sont maintenant plus considérés comme un acte criminel. Retour sur cette pratique parfois mortelle, autant prisée par les mousquetaires du Roi de France que par les hommes politiques. 

Pour l’honneur 

Au cours de l’histoire, les raisons pour défier une personne en duel étaient variées : injures, différents commerciaux, conflits politiques ou même affaires de cœur. 

Les duels étaient monnaie courante en France au 16e siècle bien que différents Rois les avaient formellement interdits. Alors que le duel était considéré comme une façon noble de rétablir son honneur face à des torts, il s’était rapidement transformé en excuse commode pour se battre contre un rival. Les différents gouvernements de France ont constaté bien vite que les duels n’avaient comme principale conséquence que de faire couler inutilement le sang des jeunes nobles avides de combats. Les duellistes persévéraient dans leur activité au mépris des possibles peines encourues : déchéance de noblesse, infamie, confiscation des biens ou encore peine de mort. 

De la Nouvelle France jusqu’à la Confédération canadienne  

Ce goût pour le duel s’est transporté outre-Atlantique en Nouvelle-France. Les premiers duels ont été répertoriés en 1646 et ont continué après la Conquête britannique. Les duels en Nouvelle-France se faisaient exclusivement à l’épée et étaient surtout le fait des soldats et des officiers. Notez que les duels ne se terminaient pas nécessairement par la mort, mais bien souvent par des blessures, légères ou graves. 

Après la conquête de la Nouvelle-France et le nouveau régime britannique en 1763, les duels ont continué au Canada, mais le pistolet a remplacé l’épée comme arme de prédilection. La manière de défier quelqu’un en duel a également changée. Désormais, si un homme estimait qu’un autre l’avait offensé, il envoyait une lettre qu’on appelait « cartel » dans laquelle il exigeait réparation. Si satisfaction n’était pas donnée, les deux duellistes se donnaient rendez-vous à un lieu désigné pour un duel au pistolet sous la supervision de témoins. Avant le duel, les témoins tentaient une dernière fois de raisonner les duellistes et d’en arriver à une conclusion sans effusion de sang. Ce n’est qu’en dernier recours que les deux protagonistes allaient de l’avant en se tirant dessus à une distance prédéterminée. 

Vers le 19e siècle, le duel a cessé d’être une affaire de militaires et est devenu de plus en plus courant auprès des notables et des gens de bonne société : les journalistes, les médecins, les avocats, les hommes politiques, notamment. 

Fait à noter, on ne relate pas de duels entre femmes sur le sol canadien.   

Pour écouter la version audio de cet article :

Des condamnations variables 

Les peines pour duels étaient bien souvent lourdes, mais leur application n’était pas uniforme. En Nouvelle-France, les condamnations à mort pour des duels entre soldats allaient bon train, mais on était beaucoup plus tolérant envers les officiers et les gentilshommes. Pour ces derniers, les Tribunaux estimaient que des amendes ou une réaffectation suffisaient amplement. 

Après la Conquête britannique, les duels demeuraient formellement interdits, mais les Tribunaux étaient complaisants envers les accusés. On acquittait sans problème si on estimait que le duel s’était déroulé dans l’honneur, qu’il y ait eu mort d’homme ou non. 

Le premier Code criminel canadien de 1892 prévoyait une peine de trois ans de prison pour toute personne qui défiait une autre en duel ou incitait quelqu’un d’autre à se battre en duel. La dernière version de l’article, abrogé en 2018, ramenait la peine à moins de deux ans et criminalisait aussi le fait d’accepter un duel. Ceci ne veut pas dire que depuis 2018, vous pouvez défier qui vous voulez dans un duel à mort! Car si défier quelqu’un ou accepter un duel ne sont plus des crimes, les conséquences, notamment blesser ou tuer votre adversaire, demeurent criminelles. 

Duels marquants 

Le dernier duel à mort en sol canadien s’est déroulé en mai 1838 à Rivière-Saint-Pierre, maintenant Verdun à Montréal. Le capitaine des volontaires canadiens Robert Sweeny a tué le major Henry Warde dans un duel au pistolet. Le motif : le major Warde aurait envoyé un billet doux à la femme de Sweeny dans lequel il lui professait son amour. Le duel fut constaté par de nombreux témoins crédibles et pourtant, le jury conclut que le major Warde était mort d’une balle tirée par un inconnu. Sweeny évita la condamnation grâce à la complaisance du jury, mais ça ne l’empêcha pas de décéder deux ans plus tard, rongé de remords d’avoir tué un homme. 

Le dernier duel connu en sol canadien s’est déroulé en 1873 à Terre-Neuve, territoire qui n’avait pas encore rejoint la Confédération canadienne. Deux grands amis, Augustus Healey et Denis Dooley se sont défiés au pistolet au nom de l’amour d’une même femme, Miss White. Petit hic : les témoins n’avaient pas l’intention de laisser les deux amis s’entretuer, alors les pistolets ne contenaient pas de balles. Après le coup de feu, Dooley s’est évanoui et Healey fut pris de panique, persuadé qu’il avait tué son adversaire. Une fois la supercherie révélée, Healey et Dooley réglèrent leur différend à coups de poing et Healey en sortit vainqueur. 

Et Miss White dans tout ça? Découragée face à un comportement aussi puéril, elle ne choisit aucun des deux duellistes et se maria avec un autre homme quelques années plus tard.