L’affaire Delorme : un scandale judiciaire centenaire

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Il y a 100 ans – un 24 février – s’amorçait le 3e procès d’Adélard Delorme, un prêtre catholique accusé du meurtre de son frère. 

7 janvier 1922. Le corps sans vie de Raoul Delorme est découvert sur un terrain vague du quartier Snowdon à Montréal. Âgée de 24 ans, la victime a été tuée de six balles au cou et à la tête, dont au moins une a été tirée à bout portant.

Étudiant en commerce, Raoul Delorme est le benjamin d’une famille aisée de la rue Saint-Hubert.

Le sergent-détective Georges Farah-Lajoie est chargé de l’enquête. Farah-Lajoie est célèbre pour avoir déjoué un complot en 1910, lors du Congrès eucharistique de Montréal, visant la destruction du maître-autel érigé sur les flancs du mont Royal.

Rapidement, le sergent-détective soupçonne le frère de Raoul, Adélard Delorme, un prêtre catholique. L’affaire est tellement controversée qu’Adélard Delorme subit quatre procès entre 1922 et 1924 avant qu’un jury n’arrive enfin à un verdict.

Tu ne tueras point

Selon ce qu’on apprend dans la bande dessinée L’affaire Delorme de Grégoire Mabit et Michel Viau publiée en 2019, les autorités religieuses font tout pour étouffer l’affaire, en faisant taire des témoins, en intimidant les épouses de certains policiers et en faisant de la pression sur le gouvernement.

Le sergent-détective Farah-Lajoie subit également plusieurs attaques concernant ses origines syriennes. Même s’il est chrétien, on sous-entend que le policier s’attaque volontairement à l’Église parce qu’il est Arabe.

Pour le discréditer, le journal La Presse va même jusqu’à publier une photo de lui prise lors d’un bal costumé où il est déguisé en chef arabe, du genre Lawrence d’Arabie

L’affaire Delorme, de Grégoire Mabit et Michel Viau. Publié aux Éditions Glénat, 156 pages.

Une première en Amérique du Nord

L’affaire Delorme est le premier procès en Amérique du Nord où des preuves balistiques sont soumises. La technique est tellement méconnue que de longues explications sont nécessaires pour faire comprendre aux jurés comment cela fonctionne.

Autre nouveauté au procès : afin de présenter les lieux présumés du crime – la maison des Delorme –, le sergent-détective Georges Farah-Lajoie utilise une maquette démontable reproduisant chacune des pièces.

Mais, malgré toutes les preuves accumulées, l’abbé Delorme est finalement acquitté lors du quatrième procès en octobre 1924.

Le prêtre a donc pu vivre confortablement grâce à la fortune qu’il a héritée de son frère assassiné et ça, c’est sans compter la prime d’assurance-vie de 25 000 $ qu’il a contractée sur la vie de Raoul, deux semaines avant la mort de ce dernier.

Un brillant détective

Malgré ses états de services, Georges Farah-Lajoie est renvoyé de la police de Montréal quelques années après l’acquittement de l’abbé Delorme.

La Ville aurait même refusé de lui verser une pension, prétextant qu’un examen médical l’aurait jugé inapte au service. George Farah-Lajoie travaille ensuite à son compte comme détective privé et en 1939, il est nommé agent spécial attaché au Bureau du procureur général à Montréal.

Il décède deux ans plus tard.

On le considère aujourd’hui comme l’un des plus brillants détectives qu’ait connus Montréal.