Lorsque l’une ou l’un de vos proches accepte de vous faire un don en argent, vous devez vous assurer que son consentement soit libre et éclairé. Dans le cas contraire, vous pourriez avoir une mauvaise surprise et devoir rembourser la somme. L’acceptation de ce don pourrait même être considérée comme de l’exploitation.

C’est ce qu’a conclu le Tribunal des droits de la personne en octobre 2024 concernant un homme qui avait accepté un don de sa mère de 70 000 $, ce qui a fortement appauvri la femme octogénaire. Pour cette raison, l’homme, qui est le fils aîné d’une famille de quatre enfants, a été condamné à rembourser ce don. Selon le Tribunal, il aurait dû vérifier les finances de sa mère, car une personne raisonnable aurait conclu qu’il n’était pas légitime d’accepter ce généreux cadeau.
Consentante ou pas?
À l’origine du recours, le Curateur public du Québec qui agit depuis 2021 à titre de tuteur à la personne et aux biens de la femme âgée de 87 ans au moment des événements.
Si le Curateur soutient que le consentement de la dame n’était pas libre et éclairé, le fils aîné dit le contraire. Il affirme que sa mère était apte lorsqu’elle a fait ce don en janvier 2017 et qu’elle a le droit de disposer de ses biens comme elle le souhaite.
Le fils aîné n’est pas le seul membre de la famille à avoir reçu un don de la mère. Un montant équivalent a été versé au fils cadet pour qu’il paye ses dettes.
Avant de faire ces dons à ses fils, les relevés bancaires de la dame indiquaient un solde de plus de 158 000 $. Ce solde passe à moins de 18 000 $ après les donations.
Comment établir la vulnérabilité
Être une personne âgée ne signifie pas pour autant qu’on est dans un état de dépendance ou de vulnérabilité. Ces caractéristiques doivent se retrouver dans la notion d’exploitation, définie par la Charte des droits et libertés de la personne, ainsi que par la jurisprudence.
Pour qu’il y ait exploitation, un individu ou un groupe d’individus doit profiter d’une position de force au détriment des intérêts d’une personne plus vulnérable.
Pour établir la vulnérabilité de la dame de 87 ans, le Tribunal retient diverses caractéristiques, notamment son âge, sa faible scolarité, le fait qu’elle soit veuve et habite seule. La juge tient également compte que la dame n’a aucune activité de loisirs ni aucun passe-temps, qu’elle n’a jamais conduit de voiture et que lorsqu’elle veut faire des courses, elle doit compter sur ses fils. À la lueur de ces éléments, la juge conclut que la vulnérabilité de la dame ne fait aucun doute.
Sur la base du diagnostic et du témoignage de son médecin famille, le Tribunal considère aussi que les capacités cognitives de la mère étaient déjà en fort déclin lorsqu’elle a signé le chèque.
La vulnérabilité de la dame, mais également sa dépendance envers ses fils, placent donc ces derniers en position de force.
Enfin, ces deux donations à ses fils de 70 000 $ ont dépouillé la dame d’une partie très importante de son patrimoine et de presque tous ses actifs liquides.
Faire preuve de prudence et de diligence
Selon le Tribunal des droits de la personne, en acceptant la somme de 70 000 $ dans les circonstances, le fils aîné a profité de sa position de force et de la vulnérabilité de sa mère. Un tel comportement est considéré comme de l’exploitation au regard de la Charte des droits et libertés de la personne. En agissant de la sorte, l’homme n’a pas tenu compte de son obligation de prudence et de diligence.
Le Tribunal a donc condamné le fils aîné à rembourser les 70 000 $, ainsi que les frais de justice et les frais d’expert.
Et le fils cadet?
En prenant connaissance de cette histoire, on peut légitimement se demander si le fils cadet n’a pas également exploité sa mère, puisqu’il a lui aussi obtenu un don de 70 000 $. Son cas a effectivement été évoqué devant le Tribunal des droits de la personne, d’autant plus qu’il aurait possiblement subtilisé d’autres sommes d’argent.
L’avocate du Curateur public a refusé d’aborder le sujet, évoquant la Loi sur le curateur public qui prévoit la confidentialité du dossier d’une personne représentée par le Curateur. L’avocate a néanmoins indiqué que des procédures avaient été déposées contre le fils cadet en Cour supérieure, mais qu’elles n’étaient pas fondées sur la Charte.
Quelle est la nature de ces procédures et à quel stade d’avancement sont-elles? Ces informations n’ont pas été précisées par l’avocate du Curateur public.