Québec a déposé le 5 octobre dernier un projet de loi afin de se joindre à l’action collective intentée par la Colombie-Britannique contre plus de 40 pharmaceutiques. Ce recours reproche à ces compagnies d’avoir dissimulé les effets néfastes des opioïdes.
L’union fait la force
C’est la première fois que l’avocat André Lespérance voit toutes les provinces canadiennes « faire un pacte ensemble » pour entreprendre une action collective. À titre d’exemple, le juriste mentionne le cas des cigarettiers où les différents gouvernements provinciaux ont plutôt intenté des recours individuellement.
« L’union fait la force et ça sauve des frais, soutient Me Lespérance. Plutôt que faire dix litiges, tu en fais un. Ça permet aussi de créer un impact fort. »
Me Lespérance est membre du cabinet spécialisé en actions collectives et en droit d’intérêt public Trudel Johnston & Lespérance (TJL), dont les avocates et avocats ont notamment gagné le procès contre l’industrie du tabac.
TJL mène également un recours collectif contre les compagnies pharmaceutiques au nom des victimes québécoises souffrant du trouble lié à la consommation d’opioïdes (TCO). Une situation qui a « complètement chamboulé » la vie de ces personnes, explique Me Lespérance, au point que certaines d’entre elles se sont retrouvées à la rue à cause de leur dépendance aux opioïdes.
En revanche, l’objectif de l’action collective intentée par les provinces canadiennes à laquelle le Québec veut se joindre est différent. Il vise à compenser les coûts liés à la gestion de la crise des opioïdes. Somme réclamée aux 40 pharmaceutiques ciblées par cette action collective : 85 milliards de dollars.
Selon les chiffres de l’Agence de santé au Canada, 541 décès au Québec seraient liés à une surdose aux opioïdes, seulement pour l’année 2022.
Un règlement à l’amiable
Cette action collective intergouvernementale liée à la crise des opioïdes a déjà donné des résultats. Un règlement à l’amiable de 150 millions de dollars a été conclu entre l’entreprise Purdue Pharma Canada et l’ensemble des gouvernements canadiens en juin 2022, une première au Canada selon le gouvernement britanno-colombien.
Pour Me André Lespérance, si le projet de loi du Québec est adopté, le recours de TJL concernant les victimes souffrant du TCO sera également « facilité ».
Depuis un an, TJL attend la décision du juge pour savoir si son action collective pourra aller de l’avant. La réponse ne saurait tarder, selon l’avocat.
« Sur les 35 fabricants, on a réglé avec une dizaine d’entre eux, les petits joueurs, raconte-t-il. Les gros joueurs [contestent la requête]. On attend la décision du juge. »
Du côté des cigarettiers, même si TJL a gagné son procès, le litige est loin d’être réglé puisque les trois fabricants canadiens — Imperial Tobacco, JTI-MacDonald et Rothmans Benson & Hedges — se sont mis en faillite en 2019.
Une adoption prochaine
C’est en 2018 que la Colombie-Britannique a voté l’Opioid Damages and Health Care Costs Recovery Act. Cette loi prévoit que la province peut intenter une action collective au nom du fédéral et des gouvernements provinciaux.
Bien que le projet de loi québécois vient à peine d’être déposé, le gouvernement explique qu’il est intervenu dans ce dossier à quatre reprises depuis 2018 :
- Il a participé au groupe de travail pancanadien mis sur pied afin de faciliter le partage d’informations entre les divers gouvernements au sujet des procédures judiciaires.
- Il a confié le mandat aux procureurs de la Colombie-Britannique de le représenter dans le cadre de la faillite de Purdue Pharma et de la compagnie Endo aux États-Unis pour déposer une réclamation en son nom.
- Il a participé aux négociations de règlements à l’amiable avec des compagnies défenderesses, ce qui a notamment permis la signature d’une entente avec Purdue Pharma pour un montant total de 150 M$.
- Il a participé à des discussions sur une formule de répartition des montants obtenus des règlements à l’amiable entre les différents gouvernements.
Le Cabinet du ministre responsable des Services sociaux espère pouvoir adopter son projet de loi d’ici décembre. Le gouvernement québécois pourra alors officiellement se joindre à l’action collective de la Colombie-Britannique.