Le droit à l’avortement en 4 dates clés 

Décryptage
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Le droit à l’avortement fait régulièrement l’objet de débats et de controverses. La semaine dernière, la question a été à l’avant-scène lors du débat présidentiel aux États-Unis. L’occasion de rappeler l’évolution de ce droit au Québec et au Canada à partir des moments marquants de son histoire.  

Aujourd’hui, l’avortement est un acte médical légal au Québec, et ce tout au long de la grossesse. La décision de poursuivre une grossesse ou non revient seulement à la femme ou à la personne enceinte. Il a fallu attendre 1988 pour que l’avortement ne soit plus un crime au Canada, après plus de cent ans d’interdiction et de peines sévères. Voici un rappel de l’évolution de ce droit en quatre dates clés. 

1869 : L’avortement est un crime au Canada 

C’est en 1869 que le Canada adopte sa première loi sur l’avortement. L’avortement est alors un crime grave passible de la prison à vie. En 1892, les lois sur l’avortement sont rassemblées dans le premier Code criminel canadien. Il prévoit toujours qu’une personne reconnue coupable de faire avorter une femme est passible d’une peine d’emprisonnement à vie tandis qu’une femme qui provoque son propre avortement peut recevoir une peine de 7 ans de prison. Dans la même loi, le gouvernement criminalise aussi la vente, la distribution et la publicité des moyens de contraception.

1969 : L’avortement devient légal… à certaines conditions 

En 1969, le Parlement canadien adopte une loi qui modifie le Code criminel  : l’avortement est maintenant légal, mais seulement si la vie ou la santé de la femme est en danger. Par la même loi, la contraception est aussi décriminalisée. 

Pour obtenir un avortement légalement, une femme doit obtenir un certificat émis par un comité de médecins d’un hôpital agréé. Si la procédure prévue à la loi n’est pas respectée, l’avortement constitue toujours un crime passible d’une peine d’emprisonnement à vie pour la personne qui pratique l’avortement ou de 2 ans pour une femme reconnue coupable de ce crime. 

1988 : La décriminalisation de l’avortement 

L’avortement a été décriminalisé en 1988 au Canada dans le contexte d’une poursuite contre le Dr Henry Morgentaler et d’autres médecins. Ces derniers ont ouvert illégalement une clinique d’avortement privée à Toronto en Ontario et ont été poursuivis pour avortement illégal. Leur cause s’est rendue jusqu’à la Cour suprême.  

Dans le jugement R. c. Morgentaler, la majorité des juges de la Cour suprême a décidé que l’article sur l’avortement devait être invalidé parce qu’il ne respectait pas les principes de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantissent la sécurité des personnes. La Cour a indiqué que l’article du Code criminel sur l’avortement portait injustement atteinte à l’intégrité physique et émotionnelle d’une femme qui souhaite interrompre une grossesse.  

Depuis ce jugement, l’avortement n’est plus un crime au Canada.  

Le saviez-vous?

Le Dr Morgentaler a subi des procès dans différentes provinces canadiennes. Avant la décision marquante de 1988, le Dr Henry Morgentaler avait déjà été poursuivi plusieurs fois au Québec pour avoir pratiqué des avortements illégaux. Il a été innocenté par différents jurys. Mais dans l’une des causes, il a été reconnu coupable, puis a passé 10 mois en prison. En 1976, le gouvernement de René Lévesque donne instruction de ne plus porter d’accusations contre les médecins qui pratiquent des avortements au Québec. Les poursuites déjà en cours au Québec sont arrêtées.

1989 : L’affaire Chantale Daigle et les intérêts du fœtus et du père 

En 1989, la Cour suprême a rendu une autre décision sur l’avortement. Dans cette affaire, Chantale Daigle se sépare de son conjoint devenu contrôlant et violent et souhaite se faire avorter. Celui-ci entame un processus judiciaire pour l’empêcher d’interrompre sa grossesse. En tant que futur père, il veut pouvoir s’opposer à l’avortement. 

Dans le jugement Tremblay c. Daigle, la Cour suprême devait déterminer si les intérêts du père ou du fœtus pouvaient empêcher une femme de se faire avorter. La Cour a établi que ni le fœtus ni le père ne bénéficiaient de droits pour empêcher une femme de se faire avorter. Le fœtus n’est pas considéré comme  une personne au sens de la loi . De son côté, le père du fœtus n’a pas le pouvoir de s’opposer à la décision d’une femme qui choisit de poursuivre ou d’interrompre une grossesse.