Ce 6 décembre, nous soulignons les 35 ans de la tuerie de la Polytechnique au cours de laquelle 14 femmes ont été tuées. Si le temps passe, le traitement juridique des meurtres de femmes continue lui aussi d’évoluer. Le féminicide est reconnu comme un crime dans d’autres pays, mais qu’en est-il du Canada?
Le 6 décembre 1989, un homme armé a assassiné 14 femmes et a blessé 13 personnes à l’École polytechnique de Montréal. Cet attentat, qualifié d’antiféministe, a ébranlé le pays au-delà des frontières. Depuis plusieurs années, le terme féminicide est utilisé pour qualifier les violences faites aux filles et aux femmes.
Au Canada, le féminicide n’est pas reconnu comme un crime et le Code criminel ne prévoit pas de peine spécifique pour les personnes accusées en cas de féminicide.
L’utilisation du terme féminicide est récente dans le domaine juridique. Mais cela n’empêche pas les tribunaux de le mentionner ou de le considérer dans le cadre de leurs décisions. Un juge de la Cour supérieure du Québec a défini le féminicide comme étant « un crime où le sexe de la victime est un facteur ». Des juges réfèrent au concept de féminicide dans leur décision, sans toutefois qualifier le crime de féminicide. D’autres utilisent plutôt l’expression « meurtres de femmes » plutôt que féminicide.
Le saviez-vous? Selon les données de l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation, 850 femmes et filles ont été tuées violemment au Canada entre 2018 et 2022. 96 d’entre elles étaient québécoises. |
La violence conjugale, une circonstance aggravante
La violence conjugale envers les femmes est un élément considéré par les tribunaux pour déterminer la peine d’une personne accusée.
Pour choisir la peine, les juges évaluent la situation en tenant compte entre autres des circonstances qui entourent le crime. Si chaque situation est unique, les juges doivent tout de même respecter certains critères :
- La peine choisie doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de la personne accusée.
- Des circonstances aggravantes ou atténuantes peuvent augmenter ou diminuer la peine choisie.
- La peine doit être semblable aux autres peines infligées pour des crimes similaires.
- La peine doit correspondre aux peines minimales et maximales prévues dans la loi.
Par ailleurs, les juges considèrent plusieurs circonstances aggravantes dans leurs décisions.
Exemples de circonstances aggravantes
Quand un crime est motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur :
- le sexe,
- l’orientation sexuelle,
- l’identité de genre,
- l’expression de genre.
Quand un crime est commis en contexte de violence conjugale ou familiale.
Quand un crime implique un mauvais traitement à l’égard d’une personne vulnérable, notamment les victimes de sexe féminin.
La loi prévoit des circonstances aggravantes pour dissuader le public de commettre des infractions. La peine infligée à une personne accusée peut aussi avoir comme objectif de dénoncer les comportements illégaux, comme la violence conjugale et les féminicides. Un autre objectif est de renforcer la confiance des victimes et du public envers le système judiciaire.
L’impact des féminicides dans l’étude des demandes d’asile
Le risque de féminicide dans le pays d’origine d’une personne qui demande l’asile peut être parfois considéré au moment d’évaluer sa demande.
Pour ce faire, les personnes qui demandent l’asile au Canada doivent notamment démontrer que leur vie est en danger si elles retournent dans leur pays d’origine. Cependant, un nombre important de féminicides dans un pays n’implique pas qu’une demande d’asile sera automatiquement acceptée.
Pour accepter ou refuser une demande, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié analyse la façon dont le féminicide est traité juridiquement dans le pays d’origine des personnes réfugiées. Par exemple, elle regarde ce que la loi du pays prévoit en ce qui concerne les féminicides, et elle vérifie si cela est mis en application de manière efficace dans le pays. Elle peut aussi vérifier si des programmes de prévention et d’intervention sont mis en place dans le pays d’origine.
La commission peut également regarder les statistiques du pays d’origine liées au féminicide, par exemple l’âge des victimes et le contexte dans lequel le crime est commis.