Votre employeur peut-il vous interdire les ongles longs?

Décryptage
Partager
Imprimer

Pendant la pandémie de COVID-19, une employée a été congédiée pour avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur qui interdisait le port des ongles longs… Est-ce légal? Uniforme, coiffures excentriques, tatouages, perçages, longueur des ongles… votre employeur peut-il avoir des exigences sur votre apparence personnelle au travail?

Une conseillère aux ventes chez un lunettier de Montréal a poursuivi son employeur à la Division des petites créances de la Cour du Québec. Elle estimait que l’obligation de son employeur de porter des ongles courts était discriminatoire et souhaitait être dédommagée pour son congédiement, survenu en 2021. Dans sa décision, la juge a estimé que la politique de l’employeur mise en place pour des raisons de santé pendant la pandémie de COVID-19 était légale et que son congédiement avait été fait dans les règles de l’art. Mais dans d’autres situations, un tribunal pourrait-il en décider autrement? Quelles règles s’appliquent à l’apparence au travail? 

Votre apparence au travail: un droit protégé 

Vêtements, signes religieux, cheveux, barbe, bijoux, tatouages, piercings… ongles : en principe, votre apparence physique au travail est protégée par la Charte des droits et libertés de la personne. Cela signifie qu’une politique d’entreprise qui touche à des éléments de votre apparence pourrait brimer vos droits comme le droit à la liberté de la personne, le droit à la vie privée, le droit à la liberté d’expression ou la liberté de religion, par exemple. Mais même s’il s’agit de droits très importants, ils peuvent être limités. 

Sachez que votre employeur a le droit d’avoir des exigences qui concernent votre apparence physique au travail. Par exemple, il peut vous demander de porter un uniforme ou adopter un code vestimentaire. Cela fait partie de son droit de diriger et de décider et vous devez vous y conformer. Si vous refusez, votre employeur peut recourir à des mesures disciplinaires qui peuvent aller jusqu’au congédiement. Mais dans tous les cas, il doit agir dans le respect de vos droits. 

Les droits et obligations de l’employeur et de l’employé 

Pour qu’une relation de travail se passe le mieux possible, l’employeur comme la personne employée doivent respecter certaines obligations prévues par la loi. Pour en savoir plus, consultez notre texte sur les droits et obligations au travail.

Employeurs : jusqu’où peuvent-ils aller? 

Lorsque votre employeur adopte un code vestimentaire ou une politique qui touche à votre apparence physique, celle-ci doit être liée au travail. Elle doit être justifiée par : 

  • la santé, la sécurité, l’hygiène et la salubrité, 
  • l’image et la relation avec la clientèle,
  • la mission de l’entreprise, 
  • la nécessité pour une personne employée de donner l’exemple. 

À savoir. Des exigences sur votre apparence personnelle peuvent provenir de lois ou de règlements. Par exemple si vous travaillez dans le milieu de la santé, votre ordre professionnel peut exiger que vous portiez les ongles courts pour éviter la propagation des bactéries. Dans le domaine alimentaire, la loi peut exiger que vous portiez un couvre-barbe pour des raisons d’hygiène et de salubrité. Dans d’autres contextes, la loi peut exiger le port d’un casque ou de bottes protectrices, par exemple. Pour savoir qui paie pour tout cela, voir notre texte L’uniforme, les repas, la pause-café et le repos hebdomadaire.

Votre employeur a le droit de mettre en place une politique ou un code vestimentaire même si celui-ci touche à des droits protégés par la Charte des droits et libertés de la personne. Mais les critères à rencontrer sont alors encore plus stricts. Entre autres, votre employeur doit démontrer que sa politique est nécessaire et raisonnable et qu’elle porte le moins possible atteinte à vos droits. 

Des exemples? Les tribunaux ont déjà reconnu qu’un employeur pouvait exiger le port d’un uniforme, demander à ses employés de ne pas porter de barbe, de jeans ou de souliers de course, par exemple. 

Chaque situation est à évaluer au cas par cas, mais les tribunaux sont plutôt sévères lorsque la seule justification de la politique est l’image de l’entreprise, qu’elle porte sur des éléments de l’apparence difficile à modifier (comme les tatouages) ou lorsque la politique a pour effet de vous affecter à l’extérieur de vos heures de travail (comme la longueur des cheveux). 

Que faire en cas de désaccord? 

D’abord, vous pouvez discuter avec votre employeur afin de faire valoir votre point de vue et demander des ajustements. Dans certains cas, vous serez dans l’obligation de lui en parler avant d’entreprendre toute autre démarche.  

Vous êtes une personne syndiquée? Renseignez-vous auprès de votre syndicat. Il pourrait déposer un grief en votre faveur.  

Enfin, vous pouvez aussi, selon votre situation, déposer une plainte ou entreprendre une poursuite auprès des organismes ou tribunaux suivants : 

Le choix de s’adresser à un organisme ou d’avoir recours aux tribunaux dépend de la loi en cause, du statut fédéral ou provincial de votre employeur ou de la réparation souhaitée ou du montant que vous voulez réclamer.