Ce n’est pas un secret : les dossiers judiciaires peuvent prendre plusieurs années avant d’être réglés. Surtout s’ils sont complexes et suscitent des enjeux sociaux importants. Pour bien commencer l’année, on recense trois de ces sagas judiciaires… qui se poursuivent en 2024!
Les commissions scolaires anglophones devant les tribunaux
Vous avez peut-être remarqué qu’en 2020, une loi provinciale a été adoptée pour transformer les commissions scolaires en centres de services scolaires. Anodin, ce changement? Pas pour tout le monde…
La nouvelle loi crée bien plus qu’une modification terminologique – elle est venue réformer la gestion des commissions scolaires. Elle allait entraîner une baisse importante du nombre de candidates et candidats éligibles aux élections scolaires, diminuer les revenus des administratrices ou administrateurs, exclure des personnes élues de certains comités et permettre au gouvernement de s’immiscer davantage dans la gestion des fonds des écoles.
Or étant une minorité linguistique au Québec, les commissions scolaires anglophones ont le droit de gérer et contrôler leurs propres institutions scolaires.
La Cour supérieure a jugé que la loi provinciale allait à l’encontre du droit de gestion des commissions scolaires anglophones. Ces changements relatifs à la gestion sont donc inapplicables pour ces dernières.
Mais ce n’est pas la fin de l’histoire : le gouvernement du Québec conteste cette décision. De plus, le gouvernement veut adopter un projet de loi qui poursuit la réforme. À suivre en 2024!
Des peines minimales… inapplicables
Pour certains crimes, il y a des peines minimales obligatoires à respecter. Par exemple, la peine minimale obligatoire pour le trafic d’armes est d’un an d’emprisonnement. Un juge qui reconnait une personne coupable de ce crime ne pourra donc pas lui donner une peine moins sévère malgré des circonstances atténuantes.
Mais cette année, des juges ont déterminé que certaines peines minimales obligatoires étaient déraisonnables ou excessives. C’est le cas, notamment, pour le leurre d’enfant.
La Cour suprême du Canada, qui s’est penchée sur la question, a clarifié que l’infraction reste grave. Invalider cette peine minimale obligatoire ne sert qu’à donner plus de flexibilité aux tribunaux. Ils peuvent alors donner une peine qui est réellement proportionnelle au crime commis.
Ce n’est pas juste du côté des tribunaux que cette tendance se fait ressentir. En 2021, le gouvernement fédéral introduisait une loi qui va dans ce sens, notamment afin de réduire la surreprésentation des personnes marginalisées dans le système carcéral.
Spécifiquement, elle vise à abolir certaines peines minimales, dont celles liées au trafic d’armes ou à la production de certaines substances illicites. Les articles de cette loi qui portent sur les peines minimales ne sont pas encore entrés en vigueur.
La tendance va-t-elle continuer en 2024? On reste à l’affût…
Un procès secret qui choque
En principe, les procès criminels sont publics : n’importe qui pourrait y assister, connaitre l’identité des personnes impliquées et entendre le jugement final.
Avoir un procès public, c’est à la fois un droit de l’accusé et un pilier important de notre démocratie. Autrement, comment pourrions-nous savoir si justice a été rendue?
C’est pourquoi la tenue d’un procès secret l’année dernière a autant choqué. Dans cette affaire, la police avait recruté un informateur dans le cadre d’enquêtes criminelles. L’informateur avait lui aussi été impliqué dans des actes criminels.
Au final, la relation entre la police et l’informateur s’est détériorée. Des accusations ont été portées contre l’informateur, qui a demandé un arrêt des procédures. C’est l’audience sur l’arrêt des procédures qui s’est tenue en secret pour protéger l’identité de l’informateur – son nom est resté confidentiel, le procès s’est déroulé à huis clos et le jugement a été caviardé.
Rappelons que la protection de l’identité des informatrices et informateurs est aussi un élément essentiel de notre système judiciaire.
Maintenant, plusieurs médias réclament que ces informations soient rendues publiques.
Qu’est-ce qui l’emporte? L’importance de garder l’identité des informatrices et informateurs secrète ou le droit à un procès public? Nous aurons peut-être la réponse en 2024!