L’État de droit, un pilier de la démocratie

Décryptage
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Le Barreau du Québec et la Chambre des notaires mènent actuellement une campagne de sensibilisation intitulée « Protégeons notre État de droit ». L’objectif? Informer la population « sur la façon dont l’état de droit renforce sa liberté au quotidien » et rappeler qu’au Canada, « personne n’est au-dessus des lois ». Mais, qu’est-ce que c’est que l’État de droit?

Une photo en contre-plongée de l’Assemblée nationale du Québec.

Un État de droit n’est pas nécessairement démocratique, mais tout État démocratique est un État de droit, peut-on lire sur le site de l’Équipe Perspective monde de l’Université de Sherbrooke.

Deux éléments essentiels composent l’État de droit : la séparation des pouvoirs et la primauté du droit. Leur but? Protéger les libertés individuelles et collectives de la population et la défendre des abus de pouvoir.

L’État de droit est constitué de trois pouvoirs : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le Parlement vote les lois, le gouvernement les applique et les tribunaux les interprètent et s’assurent de leur conformité avec, par exemple, la Constitution et les droits fondamentaux.

L’un des éléments cruciaux de l’État de droit est l’indépendance du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs politiques. De plus, selon le principe de la primauté du droit, personne n’est au-dessus des lois.

En revanche, les normes juridiques qui composent l’État de droit sont hiérarchisées. Au sommet se trouve la Constitution du pays, suivent les ententes internationales signées par ce pays, puis les lois, et enfin les règlements.

Un tribunal doit tenir compte de cette hiérarchisation des normes juridiques lorsqu’il prend une décision.

Droit de vote, liberté d’expression et contestation judiciaire

L’État de droit permet entre autres aux citoyennes et citoyens d’exprimer leur désaccord et de contester les décisions de leurs gouvernements.

La liberté d’expression, inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne, permet cette contestation. Publier des lettres ouvertes ou prendre position dans les médias ou sur les réseaux sociaux est une manière d’exprimer son désaccord, explique Guillaume Rousseau, professeur titulaire et directeur des programmes de droit et politique appliqués de l’État de la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke.

Le droit de vote est un autre moyen de contester, voire de changer de gouvernement, précise l’avocat. Enfin, il existe la voie judiciaire qui permet de s’opposer à des décisions politiques ou à des lois et règlements. Une contestation qui peut se faire de manière individuelle ou collective, par exemple en créant une association.

Ces contrepouvoirs sont importants en démocratie, indique Guillaume Rousseau, mais un équilibre doit être préservé. La population doit également pouvoir « voter pour un gouvernement qui soit en mesure de mettre en œuvre un certain nombre de politiques publiques », soutient-il. « Trop de contrepouvoirs et pas assez de pouvoir, ce n’est pas mieux que trop de pouvoir et pas assez de contrepouvoirs. »

La souveraineté populaire, un autre pilier de la démocratie

Dans un système démocratique, il doit y avoir un équilibre entre l’État de droit et ce qu’on appelle la « souveraineté populaire ». Selon ce principe, le pouvoir appartient au peuple et chaque citoyenne et citoyen détient une part de ce pouvoir. Cela comprend évidemment le droit de vote qui permet de choisir une représentante ou un représentant, mais également le droit au référendum qui permet de s’exprimer sur un projet de loi ou de règlement.

« À certains moments, il est possible qu’il y ait des tensions si un des deux principes se met à occuper toute la place », admet Guillaume Rousseau. L’avocat donne l’exemple des tribunaux qui aux yeux de certaines et certains, auraient trop de pouvoir depuis l’adoption des chartes. Un pouvoir qui permet aux juges de détricoter des lois votées par les représentantes et représentants du peuple. « D’autres au contraire considèrent que ce sont les pouvoirs exécutif et législatif qui ont toujours plus de pouvoir », tempère-t-il.

Cependant, malgré ces tensions, l’avocat rappelle que l’État de droit et la souveraineté populaire sont des principes complémentaires. « Pour que la souveraineté populaire puisse s’exprimer, par exemple lors d’une élection ou d’un référendum, encore faut-il que la Loi électorale ou la Loi sur la consultation populaire soient respectées. » Et si ces lois ne sont pas respectées, on doit pouvoir recourir aux tribunaux. « Donc, ça prend l’État de droit pour permettre l’expression de la souveraineté populaire », soutient-il.

Les garde-fous dans le système judiciaire

Si la population peut contester une décision gouvernementale, elle peut également s’opposer à une décision judiciaire, par exemple en faisant appel. Il est aussi possible de faire une plainte, par exemple au Conseil de la magistrature.

Guillaume Rousseau rappelle le cas de l’ancienne juge en chef de la Cour d’appel du Québec, Nicole Duval Hesler, qui a fait l’objet d’une plainte en 2019. On lui reprochait entre autres d’avoir manqué à son devoir de réserve dans le dossier de la Loi sur la laïcité de l’État, déclarant que les personnes qui soutiennent cette loi souffrent « d’allergies visuelles ».

Le Conseil canadien de la Magistrature n’a finalement pas été de l’avant avec cette plainte, puisqu’entretemps la juge en chef a pris sa retraite. « Ça aurait été bien qu’il ait une enquête et qu’il ait une décision », remarque l’avocat. Mais ce cas démontre que ce processus existe et que des gens du public, pas seulement des juristes, peuvent porter plainte afin de faire valoir leurs droits.