Anglophones historiques et droits linguistiques: état de la situation

Décryptage
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Avez-vous déjà entendu parler de l’expression « anglophones historiques »? Elle a d’abord circulé dans les médias et le monde politique, notamment lors des discussions sur le projet de loi qui a modifié la Charte de la langue française et les règles concernant l’accès aux services en anglais au Québec. Or, l’expression ne figure pas dans la version finale de la loi.

Les drapeaux du Québec, du Canada et de Montréal près de l’hôtel de ville dans le Vieux-Montréal.

Dans les faits, plusieurs personnes peuvent toujours avoir droit à certains services en anglais, pas seulement les « anglophones historiques ». Connaître l’histoire des communautés d’expression anglaise et l’évolution des droits linguistiques au Québec aide à mieux comprendre le contexte des lois actuelles sur la langue. 

L’histoire des communautés d’expression anglaise au Québec 

Les communautés d’expression anglaise ont une longue histoire dans ce qui est aujourd’hui le Québec. Au fil du temps, leurs caractéristiques démographiques, leur proportion dans la population et leur influence dans des domaines comme la politique et les affaires ont changé. 

À la fin du 18e siècle, les personnes d’expression anglaise étaient peu nombreuses, mais leur influence était importante grâce à leur richesse et au fait que la région était devenue une colonie britannique à la suite de la conquête de la Nouvelle-France en 1760. Au siècle suivant, la Révolution industrielle et la famine au Royaume-Uni ont poussé plusieurs à immigrer dans la région à la recherche de meilleures opportunités. Cela a augmenté le nombre de personnes d’expression anglaise sur le territoire, mais la majorité d’entre elles avaient un statut socioéconomique relativement faible et donc peu d’influence. 

Depuis, la population d’expression anglaise et son influence ont continué de fluctuer selon différents facteurs. Le terme pluriel « communautés d’expression anglaise » reflète la diversité des communautés d’aujourd’hui, que ce soit sur le plan de leurs origines ethniques, de leur statut socioéconomique ou d’autres caractéristiques démographiques. Il inclut aussi des personnes qui ne s’identifient pas comme « anglophones » parce que l’anglais n’est pas leur langue maternelle, par exemple. 

Trois niveaux de droits linguistiques 

L’histoire et la situation actuelle des communautés d’expression anglaise au Québec sont complexes, notamment parce que l’anglais est une langue minoritaire au Québec, mais majoritaire dans le reste du Canada. En raison de cette situation, il y a des règles différentes concernant les droits linguistiques au Québec provenant de sources internationales, canadiennes et provinciales qui se superposent parfois. 

En matière de droit international, le Canada a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cet accord reconnaît le droit des communautés de langue minoritaire dans un pays à utiliser leur langue. Mais, les communautés d’expression anglaise du Québec ne peuvent pas fonder leurs revendications sur cet accord au niveau international, puisqu’elles ne sont pas une minorité linguistique à l’échelle du Canada. 

En matière de droit canadien, l’anglais et le français sont les deux langues officielles. Cette situation entraîne certains droits. D’abord, les tribunaux et autres institutions soumises aux lois fédérales doivent offrir des services dans les deux langues, dans certaines limites. 

Les lois fédérales protègent également les communautés de langue officielle minoritaire dans chaque province et territoire. Les personnes d’expression anglaise au Québec bénéficient donc de protections comme le droit d’aller à l’école en anglais sous certaines conditions et l’accès à du financement fédéral pour le développement communautaire. Dans le reste du Canada, ce sont plutôt les communautés d’expression française qui ont ces protections.  

En matière de droit québécois, le français est la seule langue officielle. Les droits linguistiques prévus par les lois québécoises sont donc principalement réservés aux personnes qui parlent français. Le gouvernement du Québec a le mandat de protéger et de promouvoir le français, comme langue officielle et comme langue minoritaire dans le reste du Canada et dans le monde. Cela dit, l’usage de l’anglais est toujours possible dans plusieurs situations.  

L’accès aux services en anglais au Québec 

Qui peut donc avoir accès à des services en anglais au Québec? Lorsque le projet de loi 96 (Loi 14) et les modifications à la Charte de la langue française ont été annoncés, le gouvernement a parlé d’« anglophones historiques » pour désigner celles et ceux qui continueraient d’avoir accès aux services en anglais. Et au départ, il semblait que la définition d’anglophones historiques se limiterait aux personnes ayant le droit d’aller à l’école en anglais au Québec. 

Mais dans la version finale de la loi, d’autres personnes peuvent aussi accéder à des services en anglais dans différentes situations. Les règles actuelles sont donc plus nuancées qu’une simple exception pour un seul groupe précis. 

Tout d’abord, toute personne au Québec qui est plus à l’aise en anglais qu’en français a le droit de recevoir des soins de santé en anglais

Et avoir une déclaration d’admissibilité pour fréquenter l’école en anglais reste une catégorie importante. Avoir une telle déclaration au dossier scolaire permet d’accéder à tous les services provinciaux et municipaux en anglais, de bénéficier de la priorité pour les places limitées dans les programmes de cégep en anglais et d’obtenir des accommodements liés aux exigences de français au cégep. 

D’autres personnes, comme les nouveaux arrivants et arrivantes, ainsi que les membres de certaines communautés autochtones, peuvent aussi avoir accès aux services provinciaux et municipaux en anglais dans certaines circonstances. 

Enfin, n’importe qui peut choisir d’utiliser l’anglais dans de nombreux aspects de la vie quotidienne.  

Pour vous aider à y voir plus clair, nous vous proposons une infographie résumant les droits linguistiques et un article récapitulatif sur la Charte de la langue française, avec des liens vers des articles plus détaillés sur les différents domaines importants