Arrimer le travail des juristes avec celui des travailleuses et travailleurs sociaux pour mieux intervenir auprès des femmes enceintes, c’est l’objectif que s’est récemment donné l’organisme La Maison Bleue.
Fondée en 2007 afin d’accompagner les femmes enceintes en situation de vulnérabilité, La Maison Bleue compte actuellement quatre points de service à Montréal. Situées à Côte-des-Neiges, Parc-Extension, Saint-Michel et Verdun, ces « maisons » proposent un suivi médical de la grossesse et de la petite enfance, « une période privilégiée d’intervention qui optimise les retombées positives à moyen et long terme », peut-on lire sur le site web de l’organisme.
Associée à un accompagnement éducatif et psychosocial global, cette approche de « périnatalité sociale » permet de favoriser le développement optimal des enfants, puisque le suivi se fait de la grossesse jusqu’à ce que l’enfant ait cinq ans.
« Le juridique était principalement sur les épaules des travailleuses et des travailleurs sociaux », explique en entrevue à l’émission Angle Droit, l’avocat Julien Dion, médiateur à La Maison Bleue.
Une vision holistique
Si les femmes enceintes sont accompagnées par les intervenantes et intervenants médicaux et sociaux pour tout ce qui touche le bien-être et la santé, elles peuvent aussi avoir besoin d’une expertise juridique. Donnant l’exemple d’une infestation de punaises de lit, Me Julien Dion mentionne d’autres aspects à gérer dans ce genre de problématiques.
« Il faut régler le problème à la maison, par exemple par l’envoi d’une mise en demeure [au propriétaire] ou [en effectuant une demande] à la Ville de Montréal pour une inspection, évoque-t-il. Tout est interlié et on a donc ajouté depuis une année le service juridique à La Maison Bleue pour avoir une vision holistique de l’accompagnement des femmes enceintes et leur famille. »
Des femmes et des familles qui sont en situation de vulnérabilité pour diverses raisons : immigration récente, isolement, précarité financière, problèmes de santé mentale et/ou toxicomanie.
Impacts et résultats de La Maison Bleu du 1er avril 2021 au 31 mars 2022 :
- 362 suivis de grossesse
- 3038 personnes suivies
- 125 stages en milieu interdisciplinaire
Un guide dans un « labyrinthe » bureaucratique
Dans sa pratique, Me Julien Dion se perçoit comme un guide à l’intérieur du système juridique.
« On fait beaucoup de droit en immigration et dans ce domaine, il y a beaucoup de paperasses, constate l’avocat. Je me vois comme un guide à l’intérieur de ce système, de ce labyrinthe, pour tenter d’accompagner la personne. »
Une situation pas toujours facile, surtout dans le cas de familles qu’il rencontre à plusieurs reprises pendant des mois, voire des années.
« On s’attache aux gens, admet Me Julien Dion. Ce qu’il faut faire, c’est avoir de l’empathie, mais se protéger dans une certaine mesure en comprenant le rôle limité qu’on peut avoir. On ne peut pas sauver la personne. On peut amener une équipe autour d’elle, tout un village pour l’aider, mais ce n’est pas nous qui avons le choix final autant au niveau des décisions juridiques que des décisions et de la responsabilisation de ces personnes. »
L’arbre qui cache la forêt
Les questions liées à l’immigration représentent une bonne partie du travail de Me Julien Dion, mais parfois en rencontrant une personne, en posant des questions, d’autres problématiques émergent.
« J’ai rencontré une personne pour une question précise d’immigration et de fil en aiguille, cette femme s’est ouverte sur la violence qu’elle subissait à la maison, raconte-t-il. J’ai travaillé avec elle sur ses droits au Québec, comment ça fonctionne, les répercussions sur son statut d’immigration. »
En réalité, cette situation n’avait pas d’effets sur son statut migratoire, mais cette femme avait très peur que ce soit le cas, soutient l’avocat. « La travailleuse sociale et moi avons déconstruit cette peur », explique Me Julien Dion.
Dernièrement, cette femme a quitté son mari, ajoute-t-il. « Elle a trouvé un lieu où elle se sent en sécurité. Elle a pu accoucher avec une crainte de moins dans son esprit et son statut d’immigration est presque complet. On a redonné un peu de pouvoir d’agir à cette personne », conclut Me Julien Dion.