Si vous vivez ou faites affaires au Québec, vous savez qu’il existe des règles qui protègent le français et qui prévoient quand vous pouvez utiliser l’anglais dans la province. Ces règles proviennent d’une loi appelée la Charte de la langue française, aussi connue sous le nom de la « Loi 101 ». Dans les dernières années, la « Loi 14 » a apporté d’importants changements à la Charte de la langue française. Quelles sont les règles actuelles?

En un coup d’œil |
Services de santé et services sociaux
Les services de santé et les services sociaux doivent être disponibles en français partout au Québec. Mais toute personne plus à l’aise en anglais qu’en français a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux en anglais. L’accès aux services en anglais dépend de plusieurs facteurs comme les installations et les ressources disponibles ainsi que le budget. Les personnes qui souhaitent recevoir des services en anglais doivent en faire la demande pour être dirigées vers une personne ou un établissement en mesure de répondre à leurs besoins.
Services provinciaux et municipaux
Les services provinciaux et municipaux couvrent plusieurs services comme l’émission des permis de conduire et la collecte des ordures. Au Québec, ces services et l’information concernant les services doivent être offerts en français. Mais une personne peut recevoir tous ces services ou informations en anglais si elle répond à l’une des exigences suivantes :
- Elle a été déclarée admissible pour fréquenter l’école en anglais au Québec.
- Elle est Inuit ou membre d’une Première Nation.
- Elle est arrivée au Québec dans les six derniers mois.
- Elle habite à l’extérieur du Québec.
D’autres personnes peuvent aussi recevoir certains services provinciaux et municipaux ou l’information sur les services en anglais si elles répondent à d’autres exigences.
Les organismes gouvernementaux provinciaux et municipaux doivent généralement communiquer en français, sauf si une personne demande à recevoir des services en anglais. Dans ce cas, l’organisme peut communiquer avec la personne en anglais pour vérifier son admissibilité.
Éducation
Au Québec, les jeunes doivent généralement fréquenter une école francophone. Mais dans certains cas, il est possible d’obtenir une déclaration d’admissibilité pour fréquenter une école publique anglophone de la maternelle au secondaire. C’est le cas notamment si un membre de la famille a fait la majeure partie de ses études en anglais au Canada, soit :
- l’enfant pour qui la demande de déclaration d’admissibilité est faite,
- un parent de l’enfant ayant la citoyenneté canadienne,
- un frère ou une sœur de l’enfant.
D’autres jeunes peuvent parfois recevoir une autorisation particulière ou temporaire pour fréquenter une école anglophone.
Au cégep et à l’université, chaque personne peut étudier dans un établissement de la langue de son choix. Mais, les places sont limitées dans les cégeps anglophones et dans les programmes offerts en anglais dans les cégeps francophones.
Les étudiantes et étudiants des cégeps anglophones peuvent devoir réussir des cours de français ou un test de compétence en français pour obtenir leur diplôme. Quant aux universités anglophones, certaines exigent la maîtrise du français pour l’admission à certains programmes, et les frais de scolarité sont souvent plus élevés pour les étudiantes et étudiants venant de l’extérieur du Québec.
Travail
Toutes les travailleuses et tous les travailleurs du Québec ont le droit de travailler en français. Les employeurs ont seulement le droit d’exiger la connaissance d’une autre langue, comme l’anglais, si c’est réellement nécessaire pour accomplir le travail. C’est le cas, par exemple, pour un poste dans un centre d’appels qui sert les communautés d’expression anglaise aux États-Unis.
Le français doit être utilisé pour la plupart des documents et communications internes, mais une traduction dans une autre langue peut être offerte. Les personnes employées peuvent demander à leur employeur de communiquer avec elles dans une langue autre que le français lors d’échanges individuels.
Les employeurs de 50 personnes ou plus doivent aussi respecter des règles de francisation. Ils doivent s’inscrire auprès de l’Office québécois de la langue française et évaluer l’usage du français dans leur milieu de travail. Ils doivent démontrer que le français y est largement utilisé ou prendre des mesures pour en favoriser l’usage si ce n’est pas le cas.
Service à la clientèle
Les travailleuses et travailleurs autonomes, les entreprises et les organismes qui emploient cinq personnes ou plus doivent être en mesure de servir le public en français. Ils peuvent également choisir d’offrir leurs services dans d’autres langues si la clientèle le veut, mais ils n’ont généralement pas l’obligation de le faire. Les clientes et clients sont libres de choisir d’acheter des produits ou d’obtenir des services en fonction de la ou des langues dans lesquels ils sont offerts.
Les contrats d’achat pour des produits ou services peuvent être rédigés dans une langue autre que le français si toutes les parties sont d’accord. Mais si le contrat est un contrat d’adhésion — c’est-à-dire un contrat qui ne peut pas être négocié, comme pour un forfait de téléphone —, il doit d’abord être envoyé à la cliente ou au client en français. La cliente ou le client pourra ensuite demander une version dans une autre langue, si disponible.
Les travailleuses et travailleurs autonomes, les entreprises ou les organismes doivent fournir la plupart des documents et publicités liés à leurs produits ou services en français. Cela inclut, par exemple, les bons de commande, les reçus, les sites Web, les réseaux sociaux et les emballages. Ils peuvent généralement aussi proposer une version dans une autre langue, comme l’anglais.
Accès à la justice
La négociation, la médiation, l’arbitrage ainsi que les procès criminels ou civils peuvent se dérouler en français ou en anglais, selon le choix de chacune des parties. Dans certains cas, des services de traduction et d’interprétation peuvent être utilisés.
Toute personne impliquée dans une affaire civile, incluant les avocates, avocats et notaires, peut utiliser le français ou l’anglais pour soumettre des documents à la cour, participer aux audiences et communiquer avec les autres parties.
Mais, pour recevoir des services en anglais du personnel de première ligne des tribunaux, il faut répondre aux critères d’admissibilité aux services provinciaux et municipaux en anglais.
Logement
Le bail ou le contrat de vente d’un logement doivent généralement être rédigés en français. Ils peuvent être rédigés dans une autre langue si tout le monde qui signe y consent. Si l’une des parties s’y oppose, le contrat doit être en français. Si un contrat de vente est rédigé en anglais, une traduction officielle en français est nécessaire pour que la vente soit enregistrée auprès du Registre foncier du Québec.
Inaptitude et décès
Les testaments, mandats de protection, procurations et directives médicales anticipées peuvent être rédigés en français ou en anglais. Si un document est rédigé en anglais, une traduction officielle en français pourrait être nécessaire pour son enregistrement auprès des différents registres publics du Québec : le Registre foncier du Québec et le Registre des droits personnels et réels mobiliers.
L’Office québécois de la langue française et l’application de la Charte
L’Office québécois de la langue française (OQLF) est responsable d’assurer le respect de la Charte par les individus, les entreprises, les organismes et le gouvernement au Québec.
L’OQLF existe depuis 1961. À l’époque, son mandat était de veiller à « la correction et l’enrichissement de la langue parlée et écrite ». Depuis, l’OQLF s’est vu confier des rôles plus spécifiques et des pouvoirs plus larges, notamment à la suite de l’adoption de la Loi 14.
Par exemple, l’OQLF reçoit aujourd’hui des plaintes en lien avec la Charte et mène des enquêtes. À cette fin, ses représentantes et représentants peuvent visiter les milieux de travail, comme les hôpitaux, les organismes publics et d’autres établissements, prendre des photos, examiner les données pertinentes se trouvant dans un ordinateur ou tout autre équipement électronique et exiger des informations ou des documents. L’OQLF peut ordonner à une personne ou une entreprise de se conformer à la Charte et demander au tribunal d’imposer des amendes.
L’OQLF émet également les certificats de francisation aux entreprises comptant 50 personnes employées ou plus dans lesquelles l’usage du français est généralisé. Si aucun certificat n’est émis, l’entreprise doit faire approuver un programme de francisation par l’OQLF.
Sur le plan des politiques linguistiques, l’OQLF surveille l’évolution de la situation linguistique au Québec. L’OQLF doit soumettre un rapport de ses observations au ministre de la Langue française au moins tous les cinq ans.
L’OQLF n’a pas abandonné sa mission initiale d’enrichir la langue française. À cette fin, l’OQLF offre gratuitement au public un dictionnaire accessible en ligne. L’organisme met aussi à votre disposition un service de consultation téléphonique pour répondre à vos questions linguistiques.
La Loi 14 et la modernisation de la Charte
La Loi 14, également connue sous le nom de projet de loi 96, a apporté des changements significatifs à la Charte dans les dernières années. Cette loi a renforcé l’usage du français, le rendant obligatoire ou l’encourageant dans plusieurs contextes additionnels.
Concrètement, les principales règles introduites par la Loi 14 sont les suivantes :
- Les organismes gouvernementaux provinciaux et municipaux doivent désormais vous servir en français, sauf exception.
- Les cégeps anglophones sont soumis à un quota limitant le nombre de places offertes.
- Les compagnies et les organismes sans but lucratif comptant 25 personnes employées ou plus (au lieu de 50 ou plus) devront se conformer aux règles de francisation dès le 1er juin 2025.
Les origines de la Charte
En 1977, le gouvernement du Québec a adopté la Charte afin de faire du français la langue courante des affaires, au travail et en éducation. Cette loi a notamment eu comme effet d’établir le français comme langue officielle du Québec.
Elle a également introduit de nombreuses règles linguistiques qui s’appliquent toujours aujourd’hui, bien que certaines ont évoluées depuis. Ces règles incluent notamment :
- exiger que les enfants de personnes nouvellement arrivées au Québec fréquentent une école de langue française,
- restreindre l’accès aux écoles publiques de langue anglaise,
- imposer l’usage du français dans l’affichage public et la publicité commerciale,
- exiger que les compagnies et les organismes sans but lucratif d’une certaine taille s’assurent que le français est utilisé de manière courante dans le milieu de travail.