Dans une décision importante en matière d’égalité des sexes, la Cour d’appel du Québec a accordé aux personnes demandant l’asile l’accès aux garderies subventionnées au Québec.
Une personne demandant l’asile est quelqu’un qui se trouve au Canada et qui a demandé le statut de personne réfugiée, mais qui n’a pas encore obtenu de réponse. L’attente d’une décision peut durer plusieurs années. Pendant cette période, ces personnes ont droit à un permis de travail.
Jusqu’en 2018, les personnes demandant l’asile titulaire d’un permis de travail avaient accès au programme de garderies subventionnées du Québec au même titre que les autres résidentes et résidents québécois. Cependant, le gouvernement du Québec de l’époque, dirigé par les libéraux de Philippe Couillard, a modifié son interprétation d’un règlement. Cela a eu pour effet de priver les personnes demandeuses d’asile de l’accès aux garderies subventionnées.
Bijou Kanyinda, une demandeuse d’asile de la République démocratique du Congo et mère célibataire de trois jeunes enfants – a décidé de contester ce refus d’accès. Elle a déclaré qu’il lui était impossible de travailler si elle devait payer un tarif de garderie non subventionné de 50 $ par jour et par enfant au lieu du tarif subventionné d’environ 8 $ par jour (le coût s’élève maintenant à 9,10 $ par jour).
Mme Kanyinda a lancé un recours en justice en 2019 avec l’aide de deux avocats bénévoles. La contestation alléguait, entre autres, que le refus d’accès contrevenait à ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
Premier tour : une victoire technique
En mai 2022, la Cour supérieure du Québec s’est prononcée en faveur de Bijou Kanyinda. Toutefois, la cour a rejeté l’argument selon lequel ses droits en vertu des Chartes canadienne et québécoise n’étaient pas respectés. La Cour a plutôt basé sa décision sur un motif juridique technique selon lequel le gouvernement du Québec n’avait pas l’autorité légale d’adopter le règlement en question.
Néanmoins, cette décision aurait rétabli l’accès aux garderies subventionnées pour les personnes demandant l’asile, mais le gouvernement du Québec a porté cette décision en appel.
Deuxième tour : une affirmation des droits à l’égalité
Au début du mois, dans une décision unanime, trois juges de la Cour d’appel du Québec ont également tranché en faveur de Bijou Kanyinda, mais pour des raisons très différentes de celles de la cour inférieure. La Cour d’appel s’est dit en désaccord avec la conclusion de la Cour supérieure selon laquelle le gouvernement n’avait pas l’autorité légale pour adopter le règlement. Toutefois, les juges ont accepté l’argument de Mme Kanyinda selon lequel le refus d’accès à une garderie subventionnée portait atteinte à ses droits en vertu de l’article 15 de la Charte canadienne qui, entre autres, interdit la discrimination fondée sur le sexe.
Les juges ont noté que le règlement en question ne cible pas spécifiquement les femmes, mais qu’il a un impact disproportionné sur ces dernières.
« Les femmes subissent un désavantage historique dans le milieu du travail en raison du fait qu’elles assument, de façon disproportionnée, les obligations relatives à la garde et au soin des enfants », peut-on lire dans le jugement.
La cour a déclaré que le refus d’accès aux garderies subventionnées « a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer » ce désavantage historique.
La Cour d’appel a donc rétabli l’accès aux services de garde subventionnés pour les personnes demandant l’asile titulaire d’un permis de travail. L’attente risque cependant d’être longue, car plus de 32 000 enfants seraient sur la liste d’attente selon les plus récentes données du gouvernement du Québec, et les personnes demandant l’asile devront attendre leur tour, comme les autres.
La fin de l’histoire?
Cette saga juridique n’est peut-être pas encore terminée. Le 21 février dernier, le gouvernement du Québec a annoncé son intention de faire appel de la décision devant la Cour suprême du Canada.
Mise à jour! En date du 3 octobre 2024, la Cour suprême a accepté d’entendre l’appel. La date n’a pas encore été fixée. |