Interdire aux comédiennes et comédiens de fumer la cigarette sur scène, est-ce une violation de la liberté d’expression? Oui répond la Cour supérieure du Québec à trois théâtres de la Ville de Québec qui ont chacun été obligés de payer une amende de plus de 500 $. Ces contraventions ont été données par le ministère de la Santé en vertu de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme. Le Procureur général du Québec n’entend d’ailleurs pas en rester là, puisqu’il a décidé de faire appel de cette décision de la Cour, au grand dam de la communauté artistique.
Cette récente décision contredit celle de la Cour du Québec prise en novembre 2021. En effet, la première instance avait jugé au contraire que « le fait de fumer du tabac lors d’une représentation théâtrale ne constitue pas du contenu expressif, car aucun message n’est véhiculé ». Interdire cette action sur scène ne serait donc pas une atteinte à la « liberté d’expression artistique ».
Liberté d’expression ou pas, pourquoi fumer sur scène est-il considéré par le ministère de la Santé comme une infraction à la Loi concernant la lutte contre le tabagisme? Est-ce la fumée émanée par les cigarettes qu’on estime potentiellement néfaste pour le public qui se trouve dans un lieu fermé? Ou est-ce plutôt « l’acte de fumer » en tant que tel qui est visé puisqu’il pourrait influencer le public au tabagisme — à l’instar de la publicité pour les produits du tabac?
Interdiction de fumer
Selon le juge de la Cour du Québec, une comédienne ou un comédien est autorisé à simuler l’acte de fumer sans allumer une cigarette.
C’est donc à l’interdiction de fumer une cigarette dans les lieux fermés, notamment ceux où se déroulent des activités culturelles ou artistiques, que les trois théâtres auraient contrevenu. Peu importe si les cigarettes contenaient de la sauge — et non du tabac ou du cannabis — puisque cette interdiction s’applique à tout produit qui est destiné à être fumé, fines herbes et plantes aromatiques comprises. Selon le juge de la Cour du Québec, la liberté d’expression ne justifie pas l’acte.
Le juge de la Cour supérieure pour sa part considère que l’acte de fumer peut véhiculer un message et avoir une signification, comme dans le cas des pièces présentées par ces théâtres de Québec. En conséquence, cet acte est couvert par la liberté d’expression.
Liberté d’expression
Parmi les libertés et droits fondamentaux protégés par les chartes québécoise et canadienne, on retrouve la liberté d’expression. Ces droits et libertés peuvent être en revanche restreints par une règle de droit afin de respecter les intérêts et valeurs de la société démocratique.
Il est déjà arrivé par le passé que le gouvernement remette en question la liberté d’expression d’artistes du Québec sur la base de ce principe et pour des infractions beaucoup plus graves que celles liées à la Loi concernant la lutte contre le tabagisme.
Ce fut le cas d’un maquilleur en effets spéciaux qui a été arrêté en 2009 et qui a dû faire face à trois chefs d’accusation de corruption de mœurs pour production, possession et diffusion de matériel obscène sur son site Internet. Un auteur de romans d’horreur a également été accusé en 2019 de production de pornographie juvénile, car il relatait dans l’un de ses ouvrages les sévices physiques, sexuels et psychologiques subis par des enfants mineurs.
Dans ces deux cas, les artistes ont été acquittés, car ils ont pu démontrer que leur création était de l’art et que ces accusations brimaient leur liberté d’expression.
De plus, aucune victime n’était impliquée dans les affaires. Les productions du maquilleur mettaient en scène de faux meurtres avec des actrices consentantes et les enfants du roman d’horreur n’étaient pas réels, mais des personnages imaginés pour une œuvre de fiction.
Interdiction de fumer dans les lieux publics : des exceptions
Il n’y pas que les lieux où se déroulent des activités culturelles ou artistiques où il est interdit de fumer au Québec. C’est également le cas par exemple des lieux touristiques, des terrains sportifs et de jeux, des restaurants et bars, incluant leurs terrasses, ou encore, des salles de bingo.
Cependant, il existe des exceptions. Il est entre autres permis de fumer le cigare ou le tabac à pipe (incluant la chicha) dans certains établissements. La Loi concernant la lutte au tabagisme mentionne également qu’on peut permettre aux gens de fumer dans certaines chambres des établissements d’hébergement touristique.
Cependant, le nombre de chambres où il est permis de fumer ne doit pas dépasser 20 % du total de chambres offert à la clientèle et doit être regroupé afin de permettre un maximum de protection aux personnes qui ne fument pas.