Peut-on conclure un contrat avec un émoji?

Décryptage
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Les tribunaux doivent constamment s’adapter aux nouvelles technologies 📱 de l’ère numérique. Les communications électroniques sont utilisées dans toutes les sphères de la vie, même pour conclure des contrats 🤝. Un tribunal de la Saskatchewan a dû se pencher sur la signification de l’émoji de pouce en l’air (👍) envoyé dans un échange de messages textes portant sur un contrat. Sa décision en a surpris plusieurs…

À l’automne 2023, Éducaloi a donné un cours de communication claire à l’Université McGill. Ce cours s’intègre au programme d’études supérieures en traduction juridique. Comme travail de fin de session, les étudiantes et étudiants devaient produire un texte d’information juridique original, et vulgarisé. Éducaloi s’est engagé à publier les meilleurs textes francophone et anglophone.

Du côté francophone, le texte qui s’est le plus démarqué est celui de Marie-Ève Frenette qui concerne un sujet à la fois très peu abordé et actuel.

L’affaire en bref

L’affaire remonte à mars 2021. L’acheteur voulait acheter 87 tonnes de lin au vendeur. Il a signé un contrat sur papier et en a envoyé une photo au vendeur par message texte. Le vendeur a répondu avec l’émoji 👍, et n’a pas livré les graines de lin. Le tribunal a conclu que le vendeur avait accepté le contrat et qu’il aurait dû effectuer la livraison.

Selon le tribunal, l’émoji👍 traduisait l’acceptation du vendeur. Par conséquent, il y avait eu un accord de volonté entre les parties. Le contrat était donc valide selon les lois de la Saskatchewan.

Bien entendu, le tribunal a pris plusieurs faits en considération pour en venir à cette conclusion. Dans cette affaire, l’acheteur et le vendeur entretenaient une relation de longue date. Ils avaient conclu quatre autres contrats semblables dans le passé. Chaque fois, l’acheteur et le vendeur discutaient du contrat au téléphone. L’acheteur rédigeait ensuite un contrat et le signait à la main, puis envoyait une photo au vendeur par message texte, en lui demandant une confirmation. Les réponses du vendeur étaient toujours très brèves (« OK », « yep »). Le vendeur livrait ensuite le produit acheté.

Le tribunal a aussi conclu que 👍 était une signature électronique valide, car l’émoji répondait aux deux objectifs de la signature, soit :

  • identifier le signataire,
  • exprimer le consentement du signataire.

Et au Québec?

Les lois de la Saskatchewan sont différentes de celles du Québec. Mais tout comme le droit des autres provinces canadiennes, le droit des contrats québécois est lui aussi souple.

Le contrat n’est pas nécessairement un document écrit et signé. Il peut être verbal. Il suffit qu’il y ait un accord de volonté.

L’accord de volonté survient en deux étapes :

  • la présentation d’une offre par une personne,
  • l’acceptation de cette offre par une autre personne.

L’acceptation peut être explicite ou implicite. Il s’agit d’une question factuelle sur laquelle les tribunaux sont souvent appelés à se pencher.

Toutefois, certains contrats doivent être faits par écrit et respecter d’autres conditions prévues par la loi pour être valides. C’est le cas, par exemple, des contrats entre un commerçant et un consommateur.

Une fois que le contrat est conclu, les parties doivent obligatoirement le respecter.

La signature à l’ère numérique

Une signature peut prendre plusieurs formes. Elle ne consiste pas nécessairement à écrire son nom en lettres attachées sur un document papier.

Au Québec, on considère que l’apposition par une personne de son nom ou d’une marque qui lui est propre et qu’elle utilise régulièrement est une signature.

La signature vise deux objectifs :

  • identifier la personne,
  • exprimer le consentement de la personne.

Une signature pourrait donc être un numéro ou un dessin, pourvu qu’il réponde aux deux objectifs mentionnés ci-dessus.

De plus, une signature électronique est aussi valide qu’une signature sur un document papier si les exigences prévues par la loi sont respectées. Pour être valide, une signature électronique doit :

  • être apposée sur un document électronique valide, c’est-à-dire un document dont le contenu est intègre et n’a pas été modifié.
  • établir un lien entre la personne et le document électronique, c’est-à-dire confirmer l’identité de la personne.