« Procès secret » : quelles protections pour les personnes indicatrices de police?

Décryptage
Partager
Imprimer

La Cour suprême du Canada a récemment mis fin à une saga judiciaire sur les protections accordées aux personnes indicatrices de police. Ces personnes sont impliquées dans des crimes et collaborent avec les corps policiers pour les épauler dans leurs enquêtes. Cette affaire, aussi connue sous le nom de « l’affaire du procès secret », a été au cœur d’une grande controverse. Un procès peut-il être tenu dans le secret total pour protéger des personnes accusées? Quelles sont les limites de la protection accordée aux personnes indicatrices de police? 

Retour sur une saga médiatisée 

Tout commence quand une personne agissant comme indicatrice de police avoue son crime dans le cadre de l’enquête dans laquelle elle collabore. Des accusations s’ensuivent malgré l’immunité dont elle croyait bénéficier. Cette personne fait alors une demande pour arrêter les procédures parce qu’elle estime que la police a abusé de sa confiance.  

Cette demande se fait à l’abri du public et sans laisser de trace en raison du statut particulier de la personne accusée. Il n’y a donc pas de numéro assigné au dossier et l’audience ne figure pas à l’ordre du jour de la Cour. Après avoir été déclarée coupable, la personne accusée décide de porter la décision en appel. C’est alors que la Cour d’appel apprend pour la première fois la tenue de ce procès.  

La découverte de ce procès tenu en « secret » soulève rapidement des questionnements importants. La communauté juridique, les médias comme la population se questionnent sur l’accès public aux audiences et l’étendue des mesures qui s’appliquent à une personne indicatrice de police. C’est finalement la Cour suprême du Canada, le plus haut tribunal du pays, qui dira son dernier mot sur cette affaire. Elle confirme que des protections peuvent être accordées aux personnes indicatrices de police, mais que le premier jugement doit tout de même être publié en dissimulant les informations confidentielles. La Cour d’appel rendra finalement disponible le jugement en version caviardée le 12 août 2024.  

Pour écouter la version audio de cet article :

Une question de transparence 

Avant d’arriver à la Cour suprême, c’est d’abord la Cour d’appel qui révèle dans son jugement l’existence de ce procès. Un scandale éclate. Choqué par la nouvelle, un consortium de médias lui demande de dévoiler plus de renseignements sur le dossier. La Cour d’appel refuse et l’affaire se retrouve devant la Cour suprême, qui précise qu’un « procès secret » n’est pas un concept qui existe en droit canadien. 

Au Canada, la justice doit habituellement être rendue publiquement. Cela permet entre autres de garantir l’équité des procès. C’est ce que l’on appelle la « publicité des débats ». Cependant, il est possible dans certains cas précis de restreindre l’accès public aux audiences. Ce « huis clos » est une façon de préserver l’identité des personnes impliquées dans le dossier. Cela peut parfois avoir lieu en droit criminel, notamment dans le cas des personnes indicatrices de police, qui bénéficient d’un privilège en raison de leur statut. Toutefois, un procès tenu à l’abri du public n’est pas synonyme de « procès secret ».  

À retenir. Un procès peut se dérouler à huis clos total à condition que le public soit informé de son existence. Le procès doit donc être inscrit à l’ordre du jour et le jugement doit être accessible, même si certaines informations confidentielles peuvent être cachées. Il ne sera pas question d’un « procès secret » à proprement parler dans un tel cas.

Protéger les personnes indicatrices de police, mais à quel prix? 

Une personne indicatrice de police est protégée parce qu’elle aide la police dans ses enquêtes et lui permet d’assurer le maintien de l’ordre public. Il faut alors préserver son anonymat pour éviter de compromettre sa sécurité ou celle de ses proches. Plusieurs mesures de protection existent en fonction des cas et sont décidées par le tribunal.    

Tous les renseignements susceptibles de dévoiler directement ou indirectement l’identité de la personne indicatrice doivent demeurer confidentiels. Toutefois, même lorsque c’est nécessaire de protéger la personne accusée, le public doit avoir accès à un minimum de renseignements.  

Lorsque le tribunal détermine les mesures appropriées, il doit viser un équilibre entre la publicité des débats et le privilège des personnes indicatrices de police. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu que le tribunal de première instance était allé trop loin dans les mesures de protection choisies, et que la Cour d’appel aurait dû intervenir. 

3 trucs à retenir sur cette affaire :  

  • Les personnes indicatrices de police ont le droit d’être protégées afin de conserver l’anonymat à la Cour.  
  • Un procès peut être tenu à huis clos, mais le public doit savoir qu’il existe. 
  • Dans cette affaire, la Cour d’appel a dû publier le premier jugement en cachant certaines informations confidentielles.  

Le saviez-vous?

Le privilège des personnes indicatrices de police n’est pas un nouveau concept en droit criminel canadien. Dans l’affaire du « procès secret », la Cour suprême a repris des principes qu’elle avait déjà établis dans son jugement Vancouver Sun. Les juges de la Cour suprême ont d’ailleurs cité à plusieurs reprises des passages.