Condamnée à payer 35 000 $ pour le partage d’une photo intime

Décryptage
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La vengeance est un plat qui se mange froid. C’est probablement ce proverbe qui a guidé les actions de la femme au centre de ce récit. Responsable d’avoir partagé une photo intime de la nouvelle conjointe de son ex, sa soif de vengeance lui a coûté 35 000 $.

Une séparation difficile

Une ancienne histoire d’amour est à l’origine de cette affaire jugée au mois de mars à Laval. Un couple se sépare après 20 ans de relation. Deux fils sont nés de cette union.

La rupture est cependant difficile. La garde des enfants est au cœur des débats et nécessite l’intervention du tribunal. L’ex-conjointe obtient initialement la garde deux jours par semaine, jusqu’à que l’aîné décide d’aller vivre chez son père de façon permanente.

Parallèlement, l’homme commence une nouvelle relation avec une autre femme. À partir de ce moment, son ex considère que le nouveau couple est un obstacle dans la relation qu’elle entretient avec ses fils.

Ce dénouement au niveau de la garde coïncide avec plus d’une dizaine de connexions douteuses au compte Messenger de Monsieur. Or, l’ex-conjointe est la seule personne qui connaît son mot de passe. C’est à ce compte Messenger que la nouvelle conjointe envoie une photo intime destinée uniquement à Monsieur.

Quelques mois plus tard, les voisines et voisins, les collègues et d’autres proches la nouvelle conjointe reçoivent une copie de cette photo intime avec l’inscription « JOYEUSES FÊTES !!! » par la poste.

Une enquête policière met ensuite en lumière les adresses IP – le numéro d’identification unique des appareils – ayant servi à se connecter au compte de Monsieur. Les connexions inconnues sont liées aux appareils personnels et professionnels de l’ex-conjointe.

L’enquête policière ne réussit pas à dévoiler que les faits reprochés ont été commis par l’ex-conjointe. Puisque le doute persiste, il ne peut y avoir d’accusations criminelles. La nouvelle conjointe décide donc de la poursuivre dans un procès au civil, où les règles ne sont pas tout à fait les mêmes au niveau du fardeau de la preuve.

Question de probabilités

Comme il s’agissait d’un procès civil, la nouvelle conjointe devait prouver que ses droits ont été bafoués. Contrairement à un procès criminel, la preuve ne doit pas se faire « hors de tout doute raisonnable ». Ici, c’est plutôt la balance des probabilités qui détermine s’il y a eu un tort causé. En d’autres mots, le tribunal doit être convaincu qu’il y a plus que 50 % de chances que la personne qui a porté plainte dit vrai.

Le témoignage de l’ex-conjointe a joué un rôle important dans la conclusion du tribunal selon laquelle il était probable que la femme ait partagé la photo intime. Elle a notamment admis s’être connectée au compte Messenger de Monsieur, tout en se contredisant sur d’autres aspects et en montrant un manque d’empathie flagrant pour la victime.

Beaucoup d’argent

La nouvelle conjointe a eu droit à un dédommagement pour le tort qui lui a été causé. C’est ce qu’on appelle la responsabilité civile.

Le dédommagement peut être sous forme de dommages-intérêts. Ce montant peut varier énormément. Il vise à indemniser les conséquences négatives et non à enrichir la personne qui a subi les torts. Dans cette affaire, la juge a accordé des dommages moraux de 25 000 $ à la nouvelle conjointe.

Par ailleurs, si le préjudice est causé de façon intentionnelle, des dommages punitifs peuvent s’ajouter. Le montant accordé en dommages punitifs vise à avoir un effet dissuasif sur la personne reconnue responsable et sur toutes les autres personnes qui pourrait vouloir l’imiter.

Là encore, la juge a conclu que les gestes étaient intentionnels et a accordé 10 000 $ supplémentaires.

Des droits bafoués

Mais comment l’ex-conjointe a-t-elle causé préjudice à la nouvelle conjointe? En la privant de son droit à sa dignité, à son honneur et sa réputation, qui est garanti dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Parallèlement, le Code civil du Québec assure le droit à la vie privée. Il est ainsi interdit d’intercepter des communications privées, d’utiliser le nom et l’image d’une autre personne et d’utiliser la correspondance d’autrui.

Dans le jugement, la juge a estimé que tous ces droits avaient été brimés avec le partage de la photo intime. C’est pour cette raison qu’elle a condamné l’ex-conjointe à payer un montant de 35 000 $.

Le saviez-vous?

Dans cette histoire, l’enquête policière n’a pas permis de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’ex-conjointe. Si elle avait été reconnue coupable lors d’un procès criminel, elle aurait pu s’exposer à une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans.