Plaideuses et plaideurs quérulents : la quête de justice à l’excès

Décryptage
Partager
Imprimer

Dans les conflits judiciaires, il est fréquent de percevoir la partie adverse comme déraisonnable ou excessive. Mais saviez-vous que l’expression « plaideuses et plaideurs quérulents » désigne les personnes qui défendent leur cause avec une telle insistance que les tribunaux doivent intervenir pour mettre fin à leurs excès?

Pour certains individus, obtenir justice devient une véritable obsession. Leurs démarches pour y parvenir finissent par devenir abusives. On parle alors de plaideuses et de plaideurs quérulents. Mais comment peut-on qualifier une personne de quérulente, et que peuvent faire les tribunaux dans ces situations?  

Une plaideuse ou un plaideur quérulent est une personne qui cherche constamment à régler des conflits devant les tribunaux, souvent sans raison valable et de manière excessive. Bien qu’il n’existe pas de critères fixes pour qualifier une personne de quérulente, certains comportements permettent de les repérer.

Par exemple, ces personnes vont souvent : 

  • rédiger des procédures inutilement longues et complexes, 
  • se représenter seules, 
  • faire des déclarations absurdes, illogiques ou insultantes, 
  • demander des compensations financières exagérées,  
  • refuser d’accepter les décisions judiciaires qui ne font pas leur affaire. 

Un fardeau pour le système judiciaire 

Au Québec, il existe un registre qui répertorie les plaideuses et les plaideurs quérulents. En 2022, ce registre comptait 336 personnes. Une fois inscrites sur le registre, ces personnes doivent obtenir l’autorisation d’une ou un juge pour engager de nouvelles procédures. 

Ces comportements ne sont pas seulement irritants pour les personnes directement concernées : ils encombrent aussi les tribunaux et retardent le traitement des autres affaires. Pour protéger le système judiciaire contre ces abus, la loi permet de sanctionner les plaideuses et plaideurs quérulents, notamment en limitant leur droit d’accès aux tribunaux.  

Des exemples notables 

De nombreuses personnes ont été reconnues comme quérulentes au Québec, mais certains cas sont particulièrement révélateurs. 

  • Après avoir reçu une amende de 60 $ pour conduite sans permis, un homme de la ville de Québec a déposé des plaintes contre 12 juges, 13 avocats et six policiers, et envoyé 200 dossiers d’environ 300 pages à l’administration judiciaire. Un juge de la Cour supérieure l’a déclaré plaideur quérulent et a limité ses demandes futures à deux pages. On lui a également interdit de soumettre ses demandes autrement que par la poste. Vous pouvez lire le jugement ici.  
  • Un homme originaire de Sainte-Euphémie a intenté 51 actions contre le gouvernement. Il voulait devenir le propriétaire de la Terre, de Mercure, de Vénus, de Jupiter, de Saturne, d’Uranus, des « quatre grosses lunes de Jupiter » et trois autres planètes. Il a aussi changé son prénom six fois pour se présenter sous différentes identités, ce qui a mené à faire de lui un plaideur quérulent. Vous pouvez lire le jugement ici. 
  • Un résident de Montmagny a poursuivi la municipalité après avoir perdu le contrôle de sa voiture en roulant sur de la gravelle mal nivelée, laissée par un employé de la ville. Même si les dommages à sa voiture s’élevaient seulement à 668 $, le processus judiciaire a duré cinq ans. La Cour du Québec a jugé que sa plainte était abusive et que son comportement hostile méritait une sanction. Il a donc été condamné à verser 5000 $ de dommages à la directrice générale de la municipalité. Il a ensuite été reconnu comme plaideur quérulent en Cour supérieure11. Vous pouvez lire le jugement rendu par la Cour du Québec ici. 

Un équilibre nécessaire 

La notion de plaideur quérulent rappelle que, même si la persévérance est parfois nécessaire pour obtenir justice, elle doit respecter certaines limites afin de préserver le bon fonctionnement des tribunaux. 

Toutefois, il faut rappeler que le recours fréquent aux tribunaux ne rend pas systématiquement une personne quérulente. La justice doit rester accessible à tout le monde et les tribunaux doivent agir avec prudence avant de restreindre l’accès aux tribunaux d’un individu. 

Des solutions alternatives

Vous souhaitez résoudre un conflit sans vous lancer dans un long processus judiciaire? Il existe plusieurs bonnes raisons d’essayer de vous entendre sans le tribunal.

La médiation est une solution simple et efficace pour trouver un terrain d’entente. D’autres méthodes comme la négociation ou l’arbitrage peuvent aussi être explorées. Bien sûr, les procédures judiciaires restent une option si aucun compromis n’est possible.