Vous êtes administrateur d’une organisation appelée Agricult’aide. Il s’agit d’un organisme de bienfaisance enregistré qui organise des foires agricoles pour instruire et sensibiliser le public à l’agriculture. Vous venez de vous apercevoir que l’employé qui s’occupe des opérations quotidiennes de votre organisme a oublié de déposer certains documents importants auprès du gouvernement. À titre d’administrateur, vous vous demandez si vous êtes responsable de l’erreur de cet employé.
Cet article explique les responsabilités des administrateurs d’organismes de bienfaisance enregistrés incorporés (constitués en personne morale).


Les règles applicables aux administrateurs d’organismes de bienfaisance enregistrés non incorporés (non constitués en personne morale) sont légèrement différentes. Elles sont expliquées dans notre article Responsabilités des administrateurs – Organismes de bienfaisance enregistrés non incorporés. Pour en savoir davantage sur ce que veut dire être incorporé, consulter notre capsule Être « inc. » ou ne pas l’être.
Qu’est-ce qu’un administrateur?
Les organisations ne sont pas des choses matérielles : on ne peut ni les voir ni les toucher. Cela signifie que les organisations, telles que les organismes de bienfaisance enregistrés, doivent agir par l’intermédiaire de personnes réelles. Les administrateurs font notamment partie de ces personnes.
Ensemble, les administrateurs forment un groupe que l’on appelle un « conseil d’administration » et c’est ce conseil qui est chargé de superviser le fonctionnement de l’organisme.
De plus, c’est le conseil d’administration en tant que groupe qui prend les décisions et non les administrateurs individuellement. La seule exception à ce principe survient lorsqu’un administrateur a obtenu la permission spécifique de faire quelque chose au nom du conseil d’administration.
Les administrateurs sont choisis de différentes manières selon les règles de l’organisme concerné. Par exemple, ils peuvent être nommés ou élus.
Que fait le conseil d’administration?
Les conseils d’administration ne fonctionnent pas tous exactement de la même manière mais, de façon générale, le conseil d’administration d’un organisme de bienfaisance enregistré a les responsabilités suivantes :
- S’assurer que l’organisme respecte et réalise la mission qu’il s’est donnée. (La mission est décrite dans les « lettres patentes » ou les « statuts constitutifs » de l’organisme. La mission doit également être inscrite dans les documents que l’organisme a transmis au gouvernement lors de sa demande d’enregistrement).
- S’assurer que l’organisme respecte les lois qui lui sont applicables (impôts, santé et sécurité, garderies, environnement, etc.).
- Gérer les affaires financières de l’organisme (budgets, dépenses, etc.)
- S’assurer de l’entretien des propriétés et des biens de l’organisme.
- Embaucher des cadres supérieurs compétents.
- Créer des règles pour déterminer la manière dont seront traitées les questions importantes (par exemple, des règles pour assurer la confidentialité de certaines informations).
- Conserver tous les registres requis par la loi, comme le registre des copies de reçus officiels pour les dons versés à l’organisme.
- Informer les membres des affaires de l’organisme.
Quelles sont les responsabilités individuelles des administrateurs?
Certains organismes rédigent des descriptions de tâches très précises pour leurs administrateurs tandis que d’autres ne font que discuter de façon informelle de ce que l’on attend d’eux.
Dans tous les cas, la loi a créé des responsabilités individuelles que tous les administrateurs doivent remplir. D’ailleurs, ces responsabilités s’appliquent même si l’organisme emploie des personnes pour s’occuper de ses opérations quotidiennes.
1. Les administrateurs doivent gérer les affaires de l’organisme avec soin et précaution. Cela veut dire qu’ils doivent demeurer attentifs, assister aux réunions, embaucher des personnes compétentes, s’efforcer à exercer un bon jugement et prendre des mesures raisonnables pour gérer les risques auxquels l’organisme peut faire face.
Les administrateurs n’ont pas à être des experts, à moins qu’ils aient été choisis en raison de leur expertise dans un domaine particulier. Dans ce dernier cas, ils doivent s’assurer que l’organisme bénéficie autant que possible de leur expertise. Si les administrateurs sont confrontés à des situations qui dépassent leurs connaissances, ils doivent chercher de l’aide externe auprès d’experts.
2. Les administrateurs doivent agir dans le meilleur intérêt de l’organisme et non en fonction de leurs intérêts personnels ou des intérêts de leur famille, amis ou entreprises. Par exemple, les administrateurs ne peuvent utiliser leur position au sein de l’organisme afin d’obtenir une occasion d’affaires avec une compagnie dont ils sont propriétaires. Placer ses intérêts personnels devant ceux de l’organisme correspond à ce que l’on appelle un « conflit d’intérêts ».
3. Les administrateurs doivent s’assurer que l’organisme respecte toutes les lois applicables aux activités qu’il exerce. Les organismes de bienfaisance enregistrés incorporés doivent d’abord respecter leur loi constitutive, c’est-à-dire la loi en vertu de laquelle ils ont été constitués en personne morale. Ils doivent ensuite respecter les différentes lois fiscales. Finalement, ils doivent respecter toutes les autres lois qui s’appliquent à la nature de l’organisme (lois reliées à l’emploi, la santé et la sécurité, l’environnement, les congrégations religieuses, les garderies, etc.). Pour en savoir plus sur ce sujet, consulter notre article Les règles que doivent suivre les organismes de bienfaisance.
4. Les administrateurs doivent s’assurer que l’organisme respecte ses lettres patentes ou ses statuts constitutifs ainsi que ses règlements. Les règlements contiennent des règles de régie interne que l’organisme a créées pour lui-même. Ces règles prévoient la façon de convoquer les réunions, le processus de sélection des administrateurs, les critères applicables pour devenir membre, etc.
Quel est le rôle du conseil d’administration comparativement à celui des autres groupes de l’organisme?
Le conseil d’administration n’est que l’un des groupes que l’on retrouve dans un organisme de bienfaisance enregistré. Il peut également y avoir des membres, des employés, des bénévoles et des comités.
Généralement, c’est le conseil d’administration qui possède le dernier mot sur toutes les questions relatives au fonctionnement de l’organisme.
Il existe toutefois quelques exceptions à cette règle. L’une de ces exceptions est celle où les membres de l’organisme doivent approuver certaines décisions du conseil d’administration. Ce sera par exemple le cas pour toutes modifications apportées aux règlements ou à la mission de l’organisme.
Pour certains organismes constitués sous la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, les membres peuvent restreindre les pouvoirs des administrateurs par l’adoption d’une convention écrite à cet effet.
Certaines règles spéciales s’appliquent également aux organismes religieux incorporés au Québec. Les conseils d’administration de ces organismes doivent parfois obtenir l’approbation d’une personne désignée par les autorités religieuses.
Les garderies peuvent aussi faire l’objet de règles spéciales quant au fonctionnement de leur conseil d’administration.
Il est donc très important pour les administrateurs de lire les lettres patentes ou les statuts constitutifs et les règlements internes et la loi selon laquelle leur organisme a été constitué en personne morale, afin de connaître les décisions qui doivent être approuvées par les membres ou par toute autre personne.
Le conseil d’administration peut-il demander à d’autres personnes de poser des gestes en son nom?
Oui. Le conseil d’administration peut « déléguer » certaines tâches, c’est-à-dire qu’il peut autoriser quelqu’un à poser des gestes en son nom et à prendre des décisions sur une base régulière. Cette personne pourrait être, par exemple, un cadre supérieur responsable des opérations quotidiennes de l’organisme.
Bien que le conseil d’administration n’ait pas à continuellement superviser les gens à qui il délègue, il doit toujours s’assurer:
- qu’il délègue à des personnes compétentes;
- que la mission de l’organisme est respectée et réalisée;
- que les employés sont traités équitablement;
- que l’organisme respecte la loi.
Autrement dit, le conseil d’administration conserve la responsabilité ultime des affaires de l’organisme.
Y a-t-il des risques à être un administrateur?
Normalement, les administrateurs d’un organisme de bienfaisance enregistré incorporé ne sont pas tenus personnellement responsables des dommages causés par ce qu’ils ont fait ou ont négligé de faire à titre d’administrateurs. C’est plutôt l’organisme, en tant qu’organisation, qui sera tenu responsable de leurs actions. Ceci s’explique par le fait qu’un organisme constitué en personne morale (incorporé) possède une existence juridique distincte des personnes qui la dirigent. Pour en savoir plus sur l’incorporation, consultez notre article Être « inc. » ou ne pas l’être.
Cependant, il arrive à l’occasion que les administrateurs soient personnellement responsables de leurs actes. Une simple erreur de jugement ne sera toutefois pas suffisante pour retenir leur responsabilité. Une erreur sérieuse ou une omission grave devra avoir été commise, l’administrateur sachant ou ayant dû savoir que son comportement était inadéquat.
En pratique, les plus grands risques pour les administrateurs proviennent des éléments suivants:
- Défaut de déduire certaines sommes sur le salaire des employés et de les payer au gouvernement (déductions pour l’assurance- emploi, pensions, assurances parentales, etc.).
- Défaut de charger les taxes de vente, lorsque requis, et de les payer au gouvernement (TPS et TVQ).
- Défaut de payer les salaires : les administrateurs des organismes de bienfaisance incorporés au fédéral peuvent, dans certains cas, être tenus responsables jusqu’à concurrence de 6 mois de salaires impayés aux employés. Pour savoir ce en quoi consiste l’incorporation au fédéral, consultez notre capsule Être « inc. » ou ne pas l’être.
- Congédiement d’un employé ou d’un administrateur, ou encore expulsion d’un membre, lorsque ce congédiement est fait de mauvaise foi ou sans suivre une procédure équitable (par exemple, sans donner à la personne la chance de donner sa version de l’histoire).
- Fraude ou non-respect de la loi (la fraude correspond généralement au fait d’induire quelqu’un en erreur dans le but d’obtenir un avantage injuste ou illégal, ou encore de le tromper et d’ainsi lui causer une perte financière).
- Défaut de respecter les lettres patentes ou les statuts constitutifs et les règlements de l’organisme.
- Poser un geste au nom de l’organisme sans d’abord avoir obtenu l’autorisation du conseil d’administration (par exemple, conclure un contrat).
Comment réduire les risques au minimum?
Comment réduire les risques au minimum?
Afin de réduire les risques de responsabilité personnelle, tout administrateur devrait:
- être conscient de ses responsabilités;
- s’acquitter de ses responsabilités avec soin et précaution;
- obtenir l’aide externe d’un expert lorsque la situation dépasse ses connaissances;
- prendre des mesures raisonnables pour éviter les problèmes;
- éviter de laisser les problèmes persister dans le temps.
De plus, tant qu’ils n’ont pas obtenu d’autorisation du conseil d’administration, les administrateurs ne devraient pas conclure de contrats.
Les assurances peuvent également réduire les risques personnels des administrateurs. Certaines polices d’assurance couvrent les biens que l’organisme possède alors que d’autres couvrent les risques de blessures sur sa propriété. Les organismes de bienfaisance peuvent également se procurer une « assurance pour administrateurs et dirigeants ». Cette assurance offre une certaine protection contre les poursuites impliquant des gestes que les administrateurs ont posés ou ont négligé de poser dans leurs fonctions.
En plus des assurances, les administrateurs peuvent réduire les risques qu’ils encourent en s’assurant que les règlements de l’organisme contiennent une « clause d’indemnisation ». Il s’agit d’une promesse écrite faite par l’organisme qui s’engage à couvrir tous les frais qu’un administrateur peut être appelé à payer en raison de son titre.
Il peut notamment s’agir de frais d’avocats ou d’amendes. Notez toutefois qu’une clause d’indemnisation n’aidera d’aucune façon les administrateurs qui ont agi de manière criminelle ou malhonnête ou qui ont volontairement causé des dommages.
Une autre méthode que peuvent utiliser les administrateurs pour minimiser leurs risques est de s’assurer que, dès l’instant où ils sont en désaccord avec une décision prise par le conseil d’administration, leur désaccord a été noté dans le « procès-verbal » de la réunion du conseil, c’est-à-dire dans le document écrit qui résume la réunion.