La reprise est une exception au droit du locataire de conserver son logement. La reprise du logement d’un locataire est possible pour un propriétaire qui souhaite y habiter ou y loger un proche. Toutefois, il doit respecter certaines règles et le locataire conserve des droits.
Qu’est-ce que la reprise du logement?
Normalement, le locataire a le droit de demeurer dans son logement aussi longtemps qu’il le souhaite : c’est ce que l’on appelle le droit au maintien dans les lieux. La reprise du logement est l’une des exceptions à ce droit.
De façon générale, la reprise du logement donne le droit au propriétaire de reprendre un logement s’il veut :
- L’habiter lui-même.
- Loger ses enfants ou ses parents.
- Loger tout autre parent ou des membres de sa famille par alliance dont il est le principal soutien, par exemple sa belle-mère ou son gendre.
- Loger son ex-conjoint marié ou uni-civilement dont il est séparé ou divorcé, mais pour lequel il demeure le principal soutien.
Le propriétaire ne peut pas reprendre le logement pour d’autres raisons, sauf s’il s’entend avec le locataire pour mettre fin à son bail.
Attention! Sur le plan juridique, la reprise de logement est différente de l’éviction. L’éviction peut être possible lorsque le propriétaire veut réaliser un projet d’envergure, mais à certaines conditions précises. Pour en savoir plus, consultez notre article L’éviction du logement. |
Quand la reprise du logement n’est pas permise
Le propriétaire ne peut pas reprendre le logement dans certains cas, même s’il a une raison permise dans la loi.
Si le propriétaire est une compagnie
Seule une personne peut reprendre un logement. Si une compagnie est propriétaire de l’immeuble, le propriétaire de la compagnie ne peut pas reprendre le logement.
S’il y a plus d’un propriétaire
Les copropriétaires d’un immeuble locatifs ne peuvent pas reprendre le logement, sauf s’ils sont conjoints (mariés, unis civilement ou de fait). Par exemple, si deux amis achètent ensemble un immeuble, l’un d’eux ne peut pas reprendre un des logements.
Si un logement semblable est disponible
Le propriétaire ne peut pas reprendre le logement s’il possède un autre logement semblable et disponible à la date de la reprise. Des logements sont semblables lorsqu’ils :
- ont un loyer équivalent,
- sont de dimension similaire (la taille et le nombre de pièces),
- sont situés à proximité l’un de l’autre.
Par exemple, le propriétaire ne pourra pas reprendre un logement de 4 pièces 1/2 s’il y en a un autre disponible au même étage dans l’immeuble. Si les logements sont semblables, le propriétaire devra emménager dans le logement disponible.
Cependant, s’il s’entend avec le locataire du logement qu’il désire reprendre, le propriétaire pourrait reprendre le logement déjà occupé, même si un logement semblable est disponible.
Si le logement est occupé par un aîné qui a de faibles revenus
Un propriétaire ne peut pas reprendre le logement d’un locataire si celui-ci ou son conjoint est une personne qui possède ces trois caractéristiques :
- est âgée de 65 ans ou plus,
- habite le logement depuis 10 ans ou plus,
- gagne un revenu inférieur ou égal à 125 % du revenu maximal qui le rend admissible à un logement à loyer modique (LLM), parfois appelé habitation à loyer modique (HLM).
Toutefois, le propriétaire peut reprendre le logement d’une personne aînée dans certains cas précis. Par exemple, un propriétaire lui-même âgé de 65 ans ou plus peut reprendre le logement pour l’habiter, même si les conditions ci-dessus mentionnées sont réunies.
Attention : les conditions ci-dessus relatives à l’âge et au revenu s’appliquent généralement si le propriétaire a transmis l’avis de reprise du logement le 22 mai 2024 ou après. Si le propriétaire a transmis un tel avis avant le 22 mai, l’âge minimum est de 70 ans et le revenu admissible correspond à 100 % du revenu maximal qui rend le locataire admissible à un logement à loyer modique.
L’avis de reprise de logement
Le propriétaire doit envoyer un avis écrit au locataire pour reprendre le logement. L’avis de reprise de logement doit obligatoirement contenir :
- La date prévue pour la reprise.
- Le nom de la personne pour qui le propriétaire veut reprendre le logement et son lien avec le propriétaire, s’il y a lieu.
- le passage du Code civil qui concerne les règles sur l’éviction d’une personne aînée.
Le propriétaire doit aussi respecter les délais suivants lorsqu’il envoie l’avis :
Durée du bail
L’avis doit être envoyé au plus tard
Bail de plus de 6 mois
6 mois avant la fin d’un bail
Bail de 6 mois ou moins
1 mois avant la fin du bail
Bail à durée indéterminée
6 mois avant la date prévue de la reprise
Le propriétaire peut utiliser le modèle d’avis de reprise de logement du Tribunal administratif du logement (TAL) pour rédiger l’avis.
Attention! Le propriétaire n’est pas obligé d’offrir une indemnité au locataire lorsqu’il reprend le logement. Le propriétaire peut toutefois choisir d’en offrir une. Toutefois, si le propriétaire doit faire une demande au Tribunal administratif du logement (TAL) pour reprendre le logement, le tribunal peut, entre autres, imposer le paiement des frais de déménagement du locataire. |
Les options du locataire face à l’avis
Le locataire peut accepter ou refuser la reprise du logement. Le locataire a un mois après avoir reçu l’avis pour informer le propriétaire de sa décision. Le locataire qui ne répond pas à l’avis est considéré avoir refusé la reprise.
Le locataire et le propriétaire peuvent également négocier une entente pour mettre fin au bail. Par exemple, l’entente peut prévoir que le locataire quittera le logement à une certaine date, en échange d’une somme d’argent du propriétaire.
Les options du propriétaire face à un refus du locataire
Si le locataire refuse la reprise du logement, ou si le locataire et le propriétaire n’arrivent pas à s’entendre, le propriétaire a deux choix :
- Décider de ne pas reprendre le logement.
- Demander l’autorisation du TAL pour reprendre le logement.
Le propriétaire qui veut reprendre le logement malgré le refus du locataire doit être autorisé par le TAL. Il doit faire sa demande au plus tard un mois après que le locataire a refusé la reprise.
La date du refus correspond soit à :
- la date où le locataire a refusé explicitement de quitter,
- ou un mois après la date d’envoi de l’avis, si le locataire ne répond pas à l’avis.
Le propriétaire est responsable de sa demande au TAL. Son dossier peut être fermé si la procédure n’est pas respectée. Pour en savoir plus sur la procédure, consultez notre article L’audition devant le Tribunal administratif du logement.
L’audition au TAL
Lors de l’audition devant le TAL, le propriétaire doit prouver qu’il veut réellement reprendre le logement pour les raisons mentionnées dans l’avis et non pour d’autres raisons. Par exemple, il ne peut pas reprendre le logement pour faire quitter le locataire.
Si le TAL autorise la reprise, il peut aussi imposer des conditions, comme fixer le montant des frais de déménagement raisonnables pour le locataire ou reporter la date de son départ.
Si le TAL refuse la reprise, le locataire peut continuer à occuper son logement et le bail se poursuit comme prévu. Si la décision est rendue après la date limite pour modifier ou mettre fin au bail, celui-ci sera renouvelé automatiquement. Cependant, le propriétaire peut demander au TAL de fixer le loyer dans le mois suivant la décision.
Quand la reprise du logement a lieu
Si le locataire accepte la reprise du logement, celle-ci a normalement lieu à la date indiquée dans l’avis.
La reprise du logement peut avoir lieu plus tard qu’à la date indiquée dans l’avis si le locataire et le propriétaire s’entendent ou si le TAL l’ordonne.
Malgré toutes les démarches qui peuvent avoir eu lieu, le bail est automatiquement renouvelé si le locataire continue à habiter le logement avec la permission du propriétaire après la date prévue de la reprise.
La mauvaise foi du propriétaire
Il y a mauvaise foi lorsque la reprise est faite pour une autre raison que celles permises par la loi ou pour de fausses raisons, lorsqu’elle est faite pour nuire au locataire ou lorsque le propriétaire agit de façon excessive ou déraisonnable.
Par exemple, il y a mauvaise foi si le propriétaire prétend reprendre le logement pour y habiter lui-même, mais loue finalement le logement à un loyer plus élevé à un autre locataire.
Le locataire qui croit que le propriétaire a agi de mauvaise foi peut demander au TAL d’être dédommagé pour les inconvénients qu’il subit en raison de la reprise, par exemple, la différence entre le loyer du logement repris et le loyer du nouveau logement loué par le locataire. Toutefois, le propriétaire n’aura pas à dédommager le locataire s’il prouve qu’il a agi de bonne foi.
Si l’avis de reprise a été transmis avant le 21 février 2024, c’est le locataire qui doit prouver que le propriétaire a agi de mauvaise foi pour être dédommagé (le propriétaire n’a pas à prouver sa bonne foi).
Le locataire peut demander ce dédommagement même s’il a accepté la reprise. Il a trois ans après avoir découvert que le propriétaire a agi de mauvaise foi pour faire sa demande au TAL.
Le propriétaire peut même être condamné à payer des dommages punitifs, c’est-à-dire une somme supplémentaire pour le punir de ses actions de mauvaise foi. Pour obtenir des dommages punitifs, le locataire doit prouver que le propriétaire a agi de mauvaise foi, peu importe la date d’envoi de l’avis de reprise.