Manon et Rachida sont deux femmes qui vivent ensemble depuis 5 ans. Elles veulent un enfant. Elles se demandent cependant si former un couple de même sexe affecte leur possibilité d’élever un enfant et leur éventuel statut de parents. Par exemple, si Rachida donne naissance à l’enfant du couple, quel sera le statut de Manon. Sera-t-elle considérée comme une mère à part entière?
Dans cet article, Éducaloi explique les particularités de la filiation lorsque les parents forment un couple de même sexe.


Qu’est-ce que la filiation?
En droit, la filiation est la relation familiale qui unit un enfant à ses parents.
C’est une des relations les plus importantes qui puissent exister entre deux personnes. Être le père ou la mère d’un enfant, c’est en effet prendre les grandes décisions qui le concernent, c’est veiller à sa garde, à son éducation et à ses besoins.
Comment se crée un lien de filiation?
Le droit reconnaît seulement trois types de filiation:
- Par le sang.
- Par l’adoption.
- Par la procréation assistée.
La filiation ne peut pas être basée uniquement sur l’attachement qui peut exister entre un enfant et un adulte.
Procréation assistée : qu’est-ce qu’un projet parental?
Un projet parental, c’est la décision d’avoir un enfant en utilisant le sperme ou l’ovule d’une autre personne pour concevoir l’enfant.
Bien sûr, il faudra qu’une troisième personne intervienne pour fournir le sperme ou l’ovule, mais son rôle se limite à cela.
Voici quelques exemples :
- Deux femmes se rendent à une clinique médicale pour que l’une d’elles se fasse inséminer artificiellement avec le sperme d’un donneur.
- Deux femmes veulent avoir un enfant et demandent à un ami de les aider en ayant une relation sexuelle avec l’une d’elles. L’ami doit être au courant du projet de grossesse et de son rôle de donneur. Il doit comprendre et accepter à l’avance que ces femmes seront les parents du bébé et que lui n’en sera pas le père.
- Deux femmes recueillent le sperme d’un ami qui accepte de le leur donner pour les aider à devenir parents. Les deux femmes s’occupent d’injecter le sperme à l’une d’elles, sans l’aide de personnel médical.
Comment prouve-t-on la filiation entre un enfant et ses deux pères?
Présentement, la seule façon pour deux hommes d’être légalement reconnus comme les parents d’un enfant est de recourir à l’adoption. Plus spécifiquement :
- Un des conjoints adopte l’enfant de l’autre;
- Les deux conjoints adoptent un enfant ensemble.
Les conjoints ne peuvent pas former un « projet parental » puisqu’ils devraient nécessairement recourir à une mère porteuse. Or, le contrat établi avec une mère porteuse n’a aucune valeur au Québec.
Une mère porteuse est une femme qui accepte de prêter son utérus pour porter le bébé. Parfois, elle fournit aussi les ovules nécessaires pour concevoir l’enfant. Après avoir accouché de l’enfant, elle le remet aux personnes ayant retenu ses services.
Dans l’hypothèse où deux hommes auraient recours quand même aux services d’une mère porteuse, l’enfant qui viendrait au monde aurait pour parents le père biologique et la mère porteuse puisque le «contrat» n’a aucune valeur.
Je suis enceinte d’un enfant conçu par insémination artificielle. Ma conjointe pourra-t-elle établir un lien de filiation avec cet enfant?
Oui, mais à une condition. Il faut que votre conjointe et vous ayez formé un «projet parental» avant que vous ne deveniez enceinte.
Si votre conjointe et vous avez formé un projet parental avant la conception, cela suffit pour permettre à votre conjointe de réclamer une filiation avec l’enfant. Cependant, si l’enfant que vous portez n’a pas été voulu dans un projet parental, le seul moyen pour votre conjointe d’établir la filiation est de l’adopter après la naissance, si cela est possible.
Comment prouve-t-on la filiation entre un enfant et ses deux mères?
Il y a trois façons de prouver la filiation:
- Par l’acte de naissance de l’enfant. Après la naissance, un formulaire intitulé « Déclaration de naissance » doit être rempli et transmis au Directeur de l’état civil. Les parents inscrivent leur nom sur ce formulaire et ces noms sont transcrits sur l’acte de naissance de l’enfant. C’est la principale façon de prouver la filiation.
- Par la possession constante d’état. Si le nom d’une personne n’apparaît pas sur l’acte de naissance de l’enfant, elle peut prouver sa filiation par la «possession constante d’état». Cela signifie qu’à partir de la naissance de l’enfant, cette personne a agi comme un parent, s’est considérée comme un parent et était reconnue comme un parent dans l’entourage familial. La possession d’état doit durer pendant une assez longue période de temps, sans interruption majeure. Bien sûr, l’enfant doit être né au terme d’un projet parental commun.
- Par la présomption de parentalité. On supposera qu’une femme mariée, unie civilement ou en union de fait est la mère de l’enfant mis au monde par sa conjointe à la suite d’un projet parental. On le supposera aussi si l’enfant naît dans les 300 jours qui suivent le divorce, la dissolution de l’union civile ou la fin de l’union de fait.
L’établissement d’un lien de filiation donne à la conjointe de la mère les mêmes droits et les mêmes devoirs que la mère.
Nous sommes un couple composé de deux femmes. Depuis le début de notre relation, je traite le fils de ma conjointe comme si c’était le mien. Puis-je réclamer une filiation avec lui?
Non. La parentalité psychologique n’est pas reconnue par la loi. Qu’un couple soit de même sexe (incluant un couple composé de 2 hommes) ou hétérosexuel, cela ne change rien. La filiation n’est pas une question de sentiments ou de relation qui existerait entre un adulte et un enfant.
Par exemple, Stéphanie emménage avec Roxanne et son fils de 1 an, James. Même si Stéphanie traite James comme s’il était son fils et que James appelle Stéphanie «maman» pendant les 10 années qui suivent, Stéphanie ne sera pas reconnue par la loi comme la mère de James. Aucun lien de filiation n’existe entre Stéphanie et James. Si elle veut être reconnue comme la mère de James, elle doit l’adopter. Or, si James a déjà un père ou une seconde mère, il se peut que l’adoption soit impossible.
Souvenez-vous que la loi ne permet pas qu’un enfant ait plus de 2 parents.
Qu’il n’y ait pas de filiation entre un enfant et un adulte qui lui sert de parent dans les faits ne veut pas dire que le droit ignore l’attachement entre eux. Pour plus d’information, consultez notre article « Attribuer la garde d’un enfant à un tiers »
Nous sommes un couple de même sexe composé de deux femmes qui veulent avoir un enfant. Un ami de sexe masculin a accepté de nous aider en ayant une relation sexuelle avec l’une d’entre nous. Quel sera le statut de cet ami?
Cela dépend. Rappelons que le père biologique qui apporte son aide au «projet parental» est censé renoncer à l’avance à être le père du bébé à naître. Dans le cas particulier où l’enfant est conçu au moyen d’une relation sexuelle avec lui, la loi permet toutefois au père biologique de changer d’idée jusqu’à un an après la naissance. Ce père peut ainsi réclamer un lien de filiation avec l’enfant s’il fait la démarche requise.
La loi ne permet pas à un donneur de sperme de réclamer sa filiation avec l’enfant. Seul l’homme ayant eu une relation sexuelle a cette option.
Si le père biologique décide de réclamer sa paternité avant que le délai d’un an se soit écoulé, la conjointe de la mère verra sa maternité remise en question.
Souvenez-vous que, selon la loi, un enfant a seulement 2 parents.
Nous sommes un couple de même sexe et nous désirons adopter un enfant. Notre orientation sexuelle peut-elle être invoquée pour faire obstacle à ce projet?
Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne interdit de discriminer les personnes sur la base de leur orientation sexuelle. L’orientation sexuelle des parents ne serait donc pas un motif valable pour empêcher des conjoints de même sexe d’adopter un enfant québécois.
Cependant, cette loi ne s’applique pas à l’extérieur des frontières du Québec. Les pays étrangers qui ont des enfants disponibles pour adoption peuvent donc choisir le type de parents qu’ils recherchent en conformité avec leurs propres lois. Certaines peuvent écarter les couples formés de personnes de même sexe.